jeudi 30 juin 2011

FRANÇOIS SAUVADET : MINISTRE, ENFIN !

François Sauvadet (photo Philippe Gillet)



Cette fois, ça y est, il est enfin ministre !

François Sauvadet aura mis dix-huit ans pour parvenir à ce sommet politique tant désiré par bien de ses collègues députés ou sénateurs. Mais ici, en Bourgogne, ça ne pouvait plus attendre : depuis le PS François Patriat (agriculture après PME chez Jospin), après Dominique Perben (justice chez Raffarin), on était en manque !

Le président du conseil général – je suis bien placé pour le savoir – a commencé sa carrière politique par le journalisme. En lui ouvrant les portes du Bien Public, je lui ai offert un marche-pied idéal : ce fils d’agriculteur, petit-fils d’une Polonaise qui fit son catéchisme à Cracovie avec un certain Karol Wojtyla, se distingua très vite en s’imposant dans la page agricole hebdomadaire du journal, et ayant ainsi assuré sa surface relationnelle rurale, en subtilisant à la titulaire la rubrique politique.

Les pions étaient en place. Dans son journal, il y avait déjà un député, le directeur (RPR). Il décida néanmoins d’être candidat en 1993 : il fut alors le gant dont Gilbert Matthieu (UDF), député-maire de Vitteaux, était la main. Un beau livre sur Raymond Janot, ancien directeur général de l’ORTF puis président du conseil régional de Bourgogne, lui ouvrit aussi les portes de la notoriété. Il fut élu député, maire et conseiller général de Vitteaux. La V° circonscription de Côte-d’Or ne serait pas au RPR qui la guignait pourtant tant.

Présidant le conseil général de Côte-d'Or (photo BP)


Après cela, ce fut un combat de couloirs et de relations. On ne voyait, dans l’hémicycle, que sa haute stature. On ne parlait, au conseil général, que du maire de Vitteaux. Et lui commençait, sous le second mandat de Chirac, à s’étonner de n’être encore point ministre … de l’Agriculture. Trois fois, il crut son heure ministérielle arrivée, surtout quand il souffla le froid et le chaud face à l’UMP, histoire de faire comprendre à Nicolas Sarkozy – à qui François Fillon avait dû parler de ce député côte-d’orien qu’il avait plusieurs fois soutenu à ses débuts – que le centre était une force incontournable.

Cette fois, donc, c’est fait. Brigitte et François ont dû vite faire leurs valises pour Paris et le ministère … de la Fonction publique, mais oui on prend ce qu’on peut et faute d’agriculteurs on peut se contenter de fonctionnaires. Cela me rappelle cette pièce de Georges Feydeau, dans laquelle un bourgeois ambitieux se voit proposer le ministère de la Marine et à qui son épouse, devant laquelle il se vante, répond du tac au tac : "Ministre de la Marine ? Tu ne sais même pas nager".

Mais c’était, il est vrai, à une autre époque…

Michel HUVET


mardi 28 juin 2011

STADE DE DIJON : GASTON-GÉRARD, LE NOM QUI GÈNE




Débaptiser un stade (ou une rue, une salle, un lieu public) n’est pas sans risque, ni sans précédent. Cachez ce nom que je ne saurais voir, disait-on à Moscou au temps de S, ou à Berlin au temps de SS.

Débaptiser un stade (ou une rue, une salle, un lieu public), c’est aussi retirer de la mémoire à une collectivité. Même des villes ont été débaptisées (Volgograd, Saint-Petersbourg, Smyrne, Sébastopol) au nom de propagandes diverses et variées.

Alors, à Dijon, faut-il vraiment débaptiser le stade Gaston-Gérard que fit construire ce maire de la ville (1935) et secrétaire d’État au Tourisme de la III° République et qui risquerait donc de passer à la postérité médiatique maintenant que l’équipe de football de la ville est en "Ligue 1", ce nec plus ultra du commerce florissant et des affaires louches qui se cachent derrière le beau nom de sport ?



Gaston-Gérard, est-ce un nom qui gène ? Oui, sans conteste. Ce diable d’avocat gastronome, qui vécut jusqu’en janvier 1969 – il voulait mourir après son pire ennemi, le chanoine Kir – dans son hôtel particulier de la rue du Petit-Potet, fut plus ou moins vichyste et moins ou plus collaborateur au temps de l’Occupation, et c’est évidemment ce qui dérange le plus les édiles d’aujourd’hui.

On se demandera alors pourquoi avoir attendu la montée en ligue 1 de l’équipe de football dijonnaise avant de s’interroger sur le nom honni du stade où elle va jouer. D’autres équipes sportives huppées y ont joué, le Tour de France y a fait étape en 1957 et 1958, de grandes compétitions internationales d’athlétisme s’y sont déroulées ainsi que … les grandes "fêtes des écoles publiques" dans les années 50. Ni le chanoine Kir ni le docteur Veillet, ni Robert Poujade (ni leurs oppositions) n’ont songé à donner un autre nom à ce stade qu’on appelait tout simplement "le parc des sports".

J’ai même en mémoire cette volonté de Robert Poujade de faire voter un texte qui dénommait définitivement le "lac Kir" en "lac de Dijon". Rien n’y fit, et même pas le décret : tous les Dijonnais continuent de l’appeler "lac Kir", comme tous les vieux Dijonnais appellent encore "Modernes" les actuelles Galeries Lafayette !

Question subsidiaire : si on débaptise, pour quel autre nom se prononcer sans risque, hum ?

Michel HUVET


jeudi 23 juin 2011

NUITS DE BOURGOGNE : LE RETOUR


Après les "climats des vignobles de Bourgogne", voici le retour des "Nuits de Bourgogne" grâce aux Archives départementales de la Côte-d’Or qui ont reçu de Mme Girault – longtemps la fidèle secrétaire du festival et la seconde de Michel Parent – le fonds d’archives en textes et photos du-dit festival.

Je rappellerai seulement que les Nuits de Bourgogne ont été pionnières tout autant qu’Avignon, que Gérard Philippe et Jean Vilar y sont venus prêcher la bonne parole culturelle décentralisée dès la fin des années 50, que les plus grandes créations y ont été produites par les metteurs en scène les plus incontournables, que Marcel Maréchal et d’autres y ont tous participé – même en 1969 où les châteaux étaient remplacés par les tours HLM de Chenôve devant lesquelles Maréchal joua post-modernement La Moscheta de Ruzzante – et que la création y a eu sa large part.

C’est dans ces fameuses "Nuits" qu’on vit tant de comédiens s’illustrer, ou débuter à l’instar de Marcel Bozonnet (dans Le Cimetière des voitures de Fernando Arrabal). C’est dans la valorisation du patrimoine historique (Dijon bien sûr, mais aussi Ancy-le-Franc, Saint-Fargeau, Bussy, Tanlay) que le théâtre vivant a trouvé son essor.

Michel Parent ici en conversation avec Juliette Greco



Une journée du souvenir est ainsi organisée le samedi 25 juin aux Archives départementales à Dijon – lieu patrimonial et culturel à souhait puisque ce bâtiment fut mairie de la ville aux XVII° et XVIII° siècles et que c’est là que jouèrent un soir de 1766 Wolgang et Nannerl Mozart – où se retrouveront les survivants de cette époque enthousiasmante pour évoquer aussi et surtout la mémoire de ce grand homme du patrimoine et de la culture vivante que fut Michel Parent.

Une anecdote pour ne pas trop rester emphatique. J’ai souvenance d’une soirée d’été dans la cour de Flore du Palais des États de Bourgogne où l’on jouait La Nuit des rois de Shakespeare. "Ecoute ce silence qui nous parle d’un autre monde" disait à peu près Prospéro. Et dans ce silence, soudain, le déchaînement de l’eau dans les latrines publiques du côté de la rue des Forges…

Michel HUVET



lundi 20 juin 2011

ROBERT POUJADE : LE LIVRE QU'ON ATTENDAIT




Enfin voilà en librairie le livre qu’on attendait depuis 2001 : celui de Robert Poujade, ce gaulliste et normalien qui fut maire de Dijon trente années durant et ministre de Georges Pompidou après avoir été secrétaire général du parti gaulliste entre 1969 et 1971.

Je sais bien qu’un premier livre était paru il y a quelques années, mais celui-là, pourtant sous-titré "les étapes d’une renaissance urbaine" ne fut qu’un bilan un peu obligé des trente années de magistrature dijonnaise et une tentative d’hommage tardif à quelques-uns des adjoints et autres élus qui l’entourèrent et qui eurent des raisons inavouées de ressentir de l’ingratitude de la part de leur ancien maire.

Cette fois, voici des "mémoires" sous le titre Avec de Gaulle et Pompidou (Editions de l’Archipel) et l’on se jette dans le livre dès qu’on en a feuilleté une ou deux pages : le redoutable normalien a retrouvé sa verve et sa terrible acuité intellectuelle. J’y reviendrai quand j’aurai tout lu, surtout sur les portraits de certains politiques amis ou ennemis qui sont croqués avec ironie et sourire mêlés.

Pour l’heure, il s’agit de vous mettre en appétit. Robert Poujade, député dès 1967, maire dès 1971 d’une ville où le Général lui-même l’avait envoyé dix ans plus tôt, ministre de l’Environnement sous Georges Pompidou – il créa ce ministère dans les anciens locaux du ministère de la Marine, place de la Concorde et rue Royale –, fut aussi président du conseil général de la Côte-d’Or et président du Conservatoire du Littoral.



Je voudrais seulement rappeler ici qu’à Dijon, ce maire sut préserver sa ville historique des méfaits autoroutiers et du béton excessif (il sut créer dans toute la ville des espaces verts dont bien des Dijonnais se montrent heureux aujourd’hui, à commencer par les mères de famille). Il créa les quartiers de la Toison d’Or et fit édifier un Auditorium exceptionnel. Il eut le souci du social en ramenant des HLM au coeur de la ville. Il développa subtilement ce qui est aujourd’hui le Grand Dijon.

Son successeur, François Rebsamen, donnera-t-il un jour le nom de Robert Poujade à une rue, à l’Auditorium ? Ou se contentera-t-il de donner son nom à une salle de la mairie ? Ou laissera-t-il complètement son souvenir s’inscrire dans de vieilles archives ?

Michel HUVET


jeudi 16 juin 2011

LES "CLIMATS" DE BOURGOGNE AU PATRIMOINE MONDIAL ?




Je ne sais pas si l’Unesco accordera aux "climats" de Bourgogne – de Beaune à Dijon – l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais ce que je sais, c’est que l’idée même de cette demande de classement est partie d’une extraordinaire conjonction de réflexions et de déductions interdisciplinaires, seule capable d’aboutir à cette idée culturelle des “climats”.

Les "climats", ce sont bien sûr, au départ, des territoires, des parcelles, des clos, des lieux d’appellation concernant ce vignoble exceptionnel et bimillénaire qui a fini par donner son nom au département qui les porte, Côte-d’Or. L’or des vignes, l’or des crus magnifiques devant lesquels s’inclinaient aussi bien Voltaire que Léopold Mozart, aussi bien Philippe-le-Bon que Napoléon.

Mais c’est aussi l’or spirituel : faut-il rappeler que le Clos-de-Vougeot a été d’abord le cellier des moines de Cîteaux dont les besoins en vin étaient importants (eucharistie, boisson des moines, réception de pauvres) et qui ont su cultiver ces arpents de calcaire et de soleil qu’ils ont trouvé à leur porte. Cet or spirituel a rayonné ensuite de par le monde, via Cluny, l’Hôtel-Dieu de Beaune, le cellier de Clairvaux à Dijon, les pressoirs à Chenôve…

Le colloque qui se tient les 17 et 18 juin 2011 à Dijon doit précisément "restituer" aux Bourguignons leurs “climats” en leur présentant un ouvrage paru aux Editions Universitaires de Dijon et qui a vu se mettre en place une recherche symbiotique : géologues, historiens, oenologues, archéologues, sociologues, historiens d’art ont uni leurs efforts pour aboutir à cette évidence enfin démontrée : que les "climats" de Bourgogne sont bien une valeur universelle exceptionnelle (VUE au sens de l’Unesco), et que ce qui se passe depuis deux mille ans dans ce petit bout de territoire bourguignon est bien un fait culturel et d’abord un fait culturel.

La seule chose qui m’ennuie et me gêne est la suivante : en classant les "climats" au patrimoine mondial, on se prive sans doute d’y voir un jour les “pleurants” de Sluter – même admirés en ce moment aux USA – ou le Puits des Prophètes à la Chartreuse de Champmol. Je suis têtu, non ?

Michel HUVET

mardi 14 juin 2011

UN PEU D'HISTOIRE ENTRE LES CADDIES ROUILLÉS


Le château de La Montespan à Oiran (79) 



Il y a des Brie partout, en général associés à d’autres noms (Sucy-en-Brie, Brie-Comte-Robert). Mais des Brie sans rien d’autre, je n’en ai visité que deux, le Brie à dix kilomètres d’Angoulème (Charente) et le Brie des Deux-Sèvres.

Le premier Brie est une petite ville, avec salle polyvalente et quelques beaux restes, notamment une église Saint-Médard du XII° siècle et pour ceux qui cherchent la petite Histoire, le Logis de la Prévôterie (XVI°) avec les armes et les cors de chasse du Seigneur de Mesmond. Très bien.

Le second Brie est en plein haut Poitou, à quelques encâblures du Futuroscope et de ce très haut lieu d’Histoire qu’est la petite ville d’Airvault. Une pleine campagne féconde, avec des melons sous serres dans chaque grand pré, une campagne qui sent bon la France nourricière et qui est chargée d’Histoire. Songez qu’à quelques kilomètres de Brie des Deux-Sèvres, on peut admirer la château de Mme de Montespan à Oiran, ce petit village aux portes de Loudun où la favorite bannie résida avant que d’y mourir.

Zone commerciale : no comment !


Je vous raconte tout ça pour dire et répéter combien la France est belle, et vaste, et chargée de nos mémoires à tous. Le problème, c’est que tous ces coins secrets, charmants, sont quasiment les oubliés de la France moderne, et qu’on n’approche pas de ces contrées à flaner sans être obstrués, au long des routes qui y mènent, par des ZI et des ZAC, des pannonceaux qui ne vous parlent ni de la Montespan ni des églises romanes, mais des Auchan, Brico-Dépôt et autres Super-U avec fléchages et appétissantes offres d’économies.

En perdant ainsi beaucoup de leur mémoire, les Français – qui ne traversent plus la France qu’avec arrêts dans les aires d’autoroute – ne se transmettront bientôt plus que des caddies rouillés et des vieux bons de réduction sur les barquettes de saumon.

Vive les Brie de Charente et du Poitou !

Michel HUVET


lundi 6 juin 2011

DIJON : REQUIEMS POUR JEAN-PHILIPPE LECAT


Chapelle de la Providence : la messe était chantée par la Maîtrise de Dijon



Lors de la messe de requiem célébrée dans la chapelle de la Providence à Dijon à la mémoire de Jean-Philippe Lecat, il a été rappelé que l’ancien ministre de la Culture avait d’abord été un "serviteur" : les propos du Père Vincent Richard sont allés droit au coeur de tous ceux qui, présents, avaient connu le grand défenseur de la Bourgogne. Ils ont été également heureux d’entendre Jean Viansson-Ponté, au nom de l’association des Amis de la Providence, rappeler que l’auteur de Quand flamboyait la Toison d’or avait renoncé à la vie politique en 1986, écoeuré par un jeu auquel il se refusait et que lui imposaient des faux amis au poignard caché.

Requiescat in pace. Oui, en paix. On médita alors en écoutant, dans l’interpétation du choeur maîtrisien d’Alain Chobert, de larges extraits du Requiem de Gabriel Faure, notamment un Sanctus qui tutoie l’ineffable et console de toutes les séparations. À l’autel, concélébrant, le Père Jacques Delaborde, ami de Jean-Philippe Lecat et dont le frère, Michel, artiste photographe, avait bénéficié de la confiance illimitée du ministre de la rue de Valois. Il y avait alors, entre l’oeuvre de Fauré et le souvenir des oeuvres de Delaborde, comme une synthèse flamboyante qui renvoyait au temps où la culture avait encore, du côté des pouvoirs publics, l’ambition d’enchanter le monde.

Le portail de la chapelle de Champmol : signé Sluter


La même émotion avait gagné les coeurs des assistants à la messe grégorienne célébrée peu de temps auparavant à la mémoire du même regretté ministre dans la chapelle ducale de la Chartreuse de Champmol pour laquelle, là encore, Jean-Philippe Lecat avait obstinément oeuvré – y compris pour la fameux Puits des Prophètes qui la jouxte : là, c’est le Père Marc Robin qui, avec ses Ambrosiniens, intercéda pour le défunt avec la liturgie chantée qui convenait pour l’homme de culture et de foi.

Malgré les promesses annoncées, aucun représentant de l’État ni aucun élu local ne se montra à l’une ou l’autre cérémonie. Peu importe : Jean-Philippe Lecat a "servi" et ce qu’il a semé porte déjà du fruit. On peut sans honte aller déposer une fleur de reconnaissance sur sa tombe, dans le petit cimetière d’Épagny, à quelques encablures de Dijon.

Michel HUVET