dimanche 31 octobre 2010

SURINFORMATION : QUI A BIEN PU ÉCRIRE ÇA ?


Notre monde est-il malade de surinformation ? Un écrivain et journaliste très connu l’a écrit dans ce texte dont je vous offre ci-dessous quelques extraits édifiants. Saurez-vous dire qui en est l’auteur. Je vous offre trois possibilités : 1) Jean-François Kahn  2) François Mauriac  3) Emile Zola.



« Le virus de l'information à outrance qui pénètre jusqu'aux os comme ces alcooliques qui dépérissent dès qu'on leur supprime le poison qui les tue.
Il serait si bon de ne pas porter dans le crâne tout le tapage du siècle, l'amas effroyable des choses que le journalisme y dépose pêle-mêle, quotidiennement ».



« ... Il y a une virilité, un élargissement à savoir toujours davantage, notre théorie moderne du citoyen connaissant ses droits, se gouvernant lui-même, est certes d'une haute dignité humaine. Mais, au point de vue du bonheur, le résultat me paraît au moins douteux... Dans ce qu'on a appelé la névrose du siècle, dans cette surexcitation croissante qui transforme et détraque la nation, il est certain que le journalisme actuel joue le principal rôle. N'est-ce pas lui qui exaspère et qui propage les secousses ? Aussi tout gouvernement autoritaire commence-t-il par museler la presse, car il n'y a pas de meilleur moyen pour calmer les esprits... La vérité n'en est pas moins que la bête humaine, elle aussi, paraît avoir besoin de ces sommeils... Voyez où nous en sommes, après dix-huit ans de tribune et de presse libres : quel dégoût de la politique... Si nos Assemblées sont impopulaires, c'est qu'on nous occupe trop d'elles... elles font un bruit trop grand pour une trop petite besogne... la fièvre de l'information à outrance a ce côté mauvais de surexciter le public...
C'est le malade mis heure par heure au courant de sa maladie... ».


« Cette Presse
 est en train de refaire les nations, elle repétrit le monde. Où nous mène-t-elle ? Que de bêtises et de mensonges... Qu'importe la logique et la vérité, pourvu que le numéro du matin ait sa nouvelle à sensation ! Les reporters... sont les derniers à croire ce qu'ils écrivent... leur unique souci est d'apporter leur copie et de toucher leur mois... peu d'entre eux aiment leur métier... »

Répondez-moi par message. Je vous donnerai alors la réponse exacte.
Michel HUVET


jeudi 28 octobre 2010

MONUMENTS HISTORIQUES : L'ABANDON



J’entendais l’autre jour le maire de Dijon, François Rebsamen, vanter l’action municipale pour la défense du Patrimoine, et je me disais que c’est si rare d’entendre un maire de grande ville parler ainsi de politique culturelle en n’oubliant pas de la lier d’ailleurs à une action dynamique et contemporaine – réfection et agrandissement du musée des beaux-arts, classement de Dijon dans les villes d’art et d’histoire, demande de reconnaissance des « climats » de Dijon à Beaune au patrimoine mondial de l’Unesco, envoi des pleurants des tombeaux ducaux au USA, réouverture pour des expositions de Saint-Philibert –.

Quelques jours plus tard, direction la Bourgogne du sud. Las, en octobre, à part Cluny/abbaye et le château de Cormatin – visite au pas de course, amputée de celle des jardins et des douves –, vous n’aurez, en semaine, aucune chance de retrouver le goût de lire du Lamartine : Saint-Point ? Venez donc le week-end ! Milly ? Le dimanche seulement ! C’est assez décevant pour le touriste culturel qui ne demande pas forcément à être assimilé à un vacancier en panne de jeu de boules : on se contente alors, devant les grilles des lieux, de lire à haute voix les livres d’Émile Magnien ou Roger Gouze, et de déchiffrer les plaques mémoriales apposées là (avec citations heureuses) par l’association La Mémoire des lieux.

Il y a pire. On peut entrer, moyennant une modeste somme, dans la Chapelle des Moines à Berzé-la-Ville : là sont réapparues, en 1886, les peintures murales de la grande époque clunisienne, avec surtout , dans une mandorle, ce Christ pantocrator de 4 mètres de haut entouré des apôtres qui achèvent la semi-coupole de la chapelle. Le lieu, si unique en Europe, est donc ouvert en octobre ? Oui, bien sûr, car il appartient à l’académie de Mâcon qui le gère au mieux. Mais voilà : ce « monument historique », vanté lors d’une récente émission Des racines et des ailes par un représnetant de la DRAC, n’est quasiment plus aidé par le ministère de la Culture, et que le vent froid et la pluie vont encore longtemps entrer par l’oculus brisé du portail et, par l’humidité, compromettre la pérennité des chefs d’œuvre muraux.

Si l’on sait que c’est un peu la même chose à Dijon avec la chapelle de la Chartreuse de Champmol – encore qu’apparemment le maire de Dijon aurait réussi à convaincre la DRAC de l’aider, on croise les doigts –, on se demande vraiment à quoi servent les services des monuments historiques s’ils ne trouvent plus, dans nos impôts, de quoi assurer ce qu’ils ont promis.

Michel HUVET


mercredi 20 octobre 2010

BUSSY / BOZONNET : FRATERNITÉ D'EXIL


Lors de la récente séance solennelle de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, on a rendu hommage à Bussy-Rabutin, le glorieux exilé du règne de Louis XIV.

En fait deux exilés étaient présents : Bussy, bien sûr, mais aussi Marcel Bozonnet, sociétaire honoraire de la Comédie-Française, qui a lu les extraits des textes de Bussy. Exilé, lui aussi ? Oui, car celui qui fut Administrateur général de la troupe de Molière a été, il y a trois ans, remercié du jour au lendemain par le ministre de la Culture de l’époque, un certain Donnedieu de Vabres. Du coup, le généreux comédien a repris sa besace et son bâton, et il a trouvé refuge “en résidence” à la Maison de la Culture d’Amiens avec ses Comédiens Voyageurs.

Marcel Bozonnet, le sait-on, reste néanmoins un Bourguignon. Ce natif de Semur-en-Auxois entend bien un jour rentrer au pays : il vient d’acquérir la maison familiale au coeur de la cité de Mme du Chatelet. On peut rappeler que ce brillant étudiant en philosophie dijonnais s’était fait connaître lors du festival des Nuits de Bourgogne en jouant à demi-nu dans une pièce d’Arrabal, Le Cimetière des voitures, en 1969.

Remarqué ensuite par la critique au festival d’Avignon où il incarnait La Religieuse de Diderot, il pouruivit une carrière fulgurante à Paris, près de Jean-Marie Villégier (qui fut tout jeune professeur de philosophie à Carnot-Dijon) de Valère Novarina puis d’Antoine Vitez en particulier. Engagé à la Comédie-Française comme pensionnaire sous l’administration de Jacques Toja, il fut très vite élu sociétaire puis prit la direction du conservatoire supérieur d’art dramatique avant d’être nommé enfin en 2001 administrateur général de la Maison de Molière.

Il a lu les mots de Bussy avec, dans la voix, cette fraternité de l’exil qui rendait du coup Bussy très contemporain.

Michel HUVET

vendredi 15 octobre 2010

DIJON : L'ACADÉMIE ET LE LIBERTINAGE


C’est bien de libertinage qu’il s’agit puisque des universitaires sérieux et des académiciens dijonnais assidus se penchent en colloque sur le "libertinage au Grand Siècle" sous le beau prétexte de rendre hommage à Bussy-Rabutin.



Il faut dire qu’en quelques années à peine, la docte assemblée dijonnaise, toujours fière d’avoir attribué un prix à Jean-Jacques Rousseau au XVIII° siècle, s’est complètement renouvelée… dans ses méthodes et dans ses projets. Cela tient à Daniel-Henri Vincent, devenu président au début de cette année, qui a épuré son bureau et ses rangs de manière rapide et néanmoins légitime.

Pierre Bodineau, ancien président, devait avoir eu le tort d’avoir été adjoint de Robert Poujade. Et Martine Chauney-Bouillot, incontournable “docteur” de la Bibliothèque Municipale, d’avoir trop longtemps régné sans partage au secretariat général. Exeunt les trop-vus. C’est Catherine Gras, conservateur au musée des beaux-arts, et fille de Pierre Gras qu’on connut conservateur des Archives d’ici et d’au-delà, qui lui a succédé.

Du coup, d’autres souvenirs remontent qui expliquent la journée “libertine” de l’académie. Daniel-Henri Vincent, alors qu’il était DRAC en Bourgogne (directeur régional des affaires culturelles), et avant de sillonner la Creuse, la Corse et la Bretagne comme TPG, avant même qu’il eut songé à écrire si joliment ses souvenirs d’enfance dans le quartier dijonnais de Montchapet, était aussi président des Amis de Bussy.



D’où l’idée qui est concrétisée ce samedi 16 octobre lors de la séance solennelle de l’académie : remettre à la Bibliothèque Municipale, via le premier protecteur de l’académie qu’est le sénateur-maire de Dijon François Rebsamen, un manuscrit de 1691 du Discours à sa famille de Bussy, financé par les Amis du-dit comte, les Amis de la Bibliothèque Municipale, les académiciens généreux et les particuliers avertis.

On se souvient qu’il y a trente ans, enfin, Lucien Hérard rénova profondément les moeurs académiciennes et réinstitua le Prix jadis attribué à Jean-Jacques. Il est patent que DHV, comme on dit à Dijon, est parti pour réaliser le même toilettage. Pour les moeurs, c’est fait. Pour le prix, on attendra 2011.

Mais j’affûte déjà mes crayons.

Michel HUVET

vendredi 1 octobre 2010

OPERA DE DIJON : TRAGIQUE MADAMA BUTTERFLY


Le ciel ne brille plus sur la mer dans la baie d’Osaka. Non par minimalisme d’un metteur en scène obtus, mais parce que le coeur de Cio-Cio-San n’est plus chauffé par le moindre rayon. Comprendre cela – qui est dans la musique de Puccini –, c’est tenir les clefs de la stupéfiante, tragique et juste mise en scène que Jean-François Sivadier vient d’offrir à l’Opéra de Dijon pour cette Madama Butterfly qu’on n’oubliera jamais.

On voudrait, d’emblée, dire aussi que sans Pascal Verrot à la direction musicale, Sivadier n’eut pu être aussi bien “lisible” qu’il le fut ici : le maestro se glisse en effet dans cette optique de justesse tragique avec une science de la “couleur” orchestrale qui a transfiguré l’Orchestre Dijon-Bourgogne, attentif, précis, homogène et creuset du spectacle. Ce qui sidère au fond le plus dans cette version, c’est sa modernité et le fait que cette modernité soit autant dans la musique que dans le livret : opéra féministe, anti-colonialiste (on est en 1904 !) et dont le vérisme du style ressemble parfois à un impressionnisme intérieur !

Sivadier dit quelque part que le thème majeur de cet opéra est l’attente. Oui, attente d’un autre monde, attente de la mort inéluctable, attente de Dieu, quête d’absolu en tout cas. Attente aussi pour le spectateur/auditeur : rien ne se passe sur ce plateau nu jusqu’à ce qu’enfin s’envole un vrai papillon géant dans une écume d’étoffe déchirant le ciel. Et puis les images vont ainsi découler l’une de l’autre, au gré de cette musique que Pascal Verrot défluidifie et assombrit au fil des actes.

Et ces images sont comme les thèmes musicaux, les catacombes du coeur de Cio-Cio-San : séparation du couple dès l’invitation nuptiale, ciel de Toussaint à l’heure vespérale où l’attente devient insupportable, fleurs cueillies dans un jardin devenu squelettique et qui deviennent un cimetière d’illusions dans un Golgotha lugubre. Le plus étonnant, c’est bien l’adéquation parfaite obtenue avec ce que dit la musique de Puccini.

Faut-il ajouter que tout cela n’aurait qu’une vérité d’ectoplasme si des chanteurs/comédiens remarquables ne venaient habiter ce temps d’attente humainement désertique et le nourrir de leur sève charnelle. Tatiana Monogarova, pour ne citer qu’elle, est une soprano à la voix d’absolue vérité – rares sont les cantatrices dont la voix, à ce point, a la justesse de ce qu’elle incarne – qui ira jusqu’à se fracasser volontairement au dernier acte dans les accords cuivrés déchirants à à qui Pascal Verrot donne une force tellurique de fin du monde et dont l’harmonie tordue est digne du Schnittke des années 70 !

Michel HUVET