jeudi 15 décembre 2011

LÉGISLATIVES EN CÔTE-D'OR : BATAILLE DE FEMMES SUR LA III°


Laurent Grandguillaume, le dauphin de François Rebsamen



Il y a longtemps que je regarde la politique de plus loin qu’auparavant. Mais voici des échéances assez proches, et voici aussi qu’on se déchire dans nos contrées, et d’abord ici en Côte-d’Or, pour des places de candidat(e)s aux législatives qui suivront la présidentielle.

Et là, je compte les coups. Et je souris. Rien à dire dans la première circonscription si ce n’est qu’avec ses propos sur les vétérinaires/médecins, Françoise Tenenbaum a fait un croche-pied à Laurent Grandguillaume – le dauphin désigné de François Rebsamen – qui devrait y aller à sa place contre un sortant, Bernard Depierre, très affaibli par sa défaite aux cantonales, ayant perdu bien de ses soutiens et engoncé dans des affaires avec son personnel.

Dans la seconde, Remy Delatte va dormir tranquille, comme sa circonscription. Pierre Pribetich – ex député européen, adjoint lui aussi de Rebsamen –, va y aller pour déjouer les pronostics toujours favorables à la droite (c’est l’ancien fief de Louis de Broissia et de Jean-Marc Nudant). Il ne pourrait gagner qu’en cas de victoire hollandiste à la présidentielle.

Pascale Caravel-Fauguet 


Dans la troisième, c’est la ruée. Des femmes partout, de gauche dure ou de gauche molle, de Chenôve ou de Quétigny, sans oublier Sofia Okotoré, la vice-présidente de la région patriatesque, qui cherche depuis longtemps un terrain d’atterrissage proche de Dijon. Et à droite, c’est pareil : Catherine Vandriesse (région + ville de Dijon, mais dans l’opposition) en veut terriblement. Mais Jean-Philippe Morel, un radical centriste qui n’en est pas moins délégué de l’UMP, entend bien vaincre la loi de la priorité au sexe jadis faible et remporter au moins l’investiture.

Et là, attention ! Car une autre femme est partante, qui est adjointe aux affaires sociales de Chevigny-Saint-Sauveur, la ville prospère et calme qui doit tout à Lucien Brenot. Or Lucien Brenot a été député, lui le "très-à-droite", dans cette circonsription "très-à-gauche" qui appartenait jusqu’à sa mort à Roland Carraz et que François Rebsamen a convoitée un moment avant de laisser gagner Claude Darciaux.

Donc Lucien Brenot soutient sans le dire son adjointe, Pascale Caravel-Fauguet, et moi je vous dis, pour cette raison, qu’il faudra compter avec elle. Anne-Marie Beaudouvi, une autre adjointe de Lucien Brenot, avait échoué en 2007, d’accord, mais la situation est très différente cette fois : la sortante PS ne se représentant pas, il y a d’une part dispersion à gauche et, d’autre part, un contexte politique "grand dijonesque" très différent. Et Pascale Caravel a un langage anti-politicien qui peut entraîner bien des voix de centre-gauche.

Continuons plus brièvement. Dans la 4° circonscription, on ne voit pas Patrick Molinoz (RDG) battre le ministre François Sauvadet (NC). Et dans la V°, depuis que François Patriat n’est plus candidat, le maire de Beaune Alain Suguenot (UMP) n’a plus vraiment d’opposant sérieux.

Rendez-vous dans trois ou quatre mois. Le contexte national aura, d’ici là, sans doute fait beaucoup bouger les lignes.

Michel HUVET


jeudi 8 décembre 2011

"JE M'APPELLE BERNADETTE" : LE FILM IMPOSSIBLE À VOIR



On sait le succès remporté par des films comme Le Grand silence ou Des hommes et des Dieux, voire celui plus ancien de La Passion. On sait aussi le succès discographique et médiatique remporté actuellement par Les Prêtres. Comme si, loin des caricatures dont peut souffrir actuellement l’Église, ce que ses valeurs apporte à l’humanité restait inconsciemment très prégnant dans le coeur des gens.

Alors on s’interroge quant à l’abandon dont est actuellement victime le film de Jean Sagols, Je m’appelle Bernadette, qui avait été présenté en avant-première à Lourdes en juin dernier et dont il était légitime de penser qu’en décembre il pourrait bien caracoler en tête des succès de Noël. Patatras : si les (petits) producteurs ont bien fait leur travail, envoyé partout des affiches et des bandes annonces, les diffuseurs, eux, boudent ce film.

Deux exemples : Lille et Dijon. Deux métropoles réputées pour le nombre et la qualité de leurs écrans. Deux villes, néanmoins, qui ne pourront présenter Je m’appelle Bernadette à la foule qui le réclame. Les diffuseurs, y compris les salles d’art et essai, n’en veulent pas. "Pas suffisamment de copies" dit l’un en tournant vite le dos. "Trop de bons films sortent en même temps en cette période de fin d’année et celui-là est noyé dans la masse" dit un autre.

Les gens s’inquiètent, téléphonent aux évêchés comme si les évêques y pouvaient quelque chose, pleurent de grosses larmes dans les commentaires diffusés sur les sites cinéma d’Internet (par exemple Allociné qui a mis trois étoiles à ce film), écrivent à leur maire ou à leur député. Rien n’y fait.



Et pourtant, à se contenter de la bande annonce, voilà un très beau film, pas du tout à l’eau de rose (ou de Lourdes), qui restitue parfaitement l’ambiance politique de l’époque des apparitions, et qui est servi par des stars telles que Francis Huster (le procureur Vital-Dufour), Francis Perrin (commissaire Jacomet), Michel Aumont (l’abbé Peyramale), et même Rufus en évêque de Nevers ! Et aux dires de ceux qui ont pu voir le film, la jeune actrice toulousaine Katia Miran est une révélation.

Alors qu’est-ce qui cloche dans le système du cinéma français ? Voilà un beau sujet de débat pour novembre prochain à Dijon lors des Rencontres cinématographiques, non ? En tout cas, je serai de ceux qui poseront alors la question, au nom de tous ceux qui auraient aimé voir le film et en auront été privés ici ou là.

Michel HUVET


vendredi 2 décembre 2011

JEAN-PHILIPPE RAMEAU À DIJON : LE RETOUR



La musique baroque est totalement implantée en Bourgogne et particulièrement à Dijon. Quel chemin parcouru, si l’on songe au premier débat sur la question de la "musique ancienne" qui s’était déroulé lors de l’année Rameau en 1983 dans la salle des États à Dijon !

Les mélomanes (et les musiciens) étaient sceptiques. Comment pouvait-on savoir que le la était alors à 400 vibrations contre 444 ? Comment pouvait-on affirmer que les boyaux de chat valaient mieux que les nylons modernes sur les cordes des violes et autres gambes ? À l’époque, Rameau était méconnu, inconnu, délaissé. Quelques chorales chantaient encore La Nuit mais sans bien savoir d’où cette page était tirée, et les opéras du-dit étaient considérés comme ennuyeux, injouables et désuets.

Quel chemin parcouru ! Aujourd’hui, la musique baroque a envahi les conservatoires et les salles de concert. On joue Les Indes galantes de Rameau au Metropolitan Opéra de New-York devant des salles combles. On redécouvre une pléïade de musiciens oubliés. Les jeunes sacquebouteux de Quétigny font la gloire des festivals huppés de Provence sous le nom de Laostic – merci François Tainturier –, et les jeunes maîtrisiens dijonnais chantent des messes de Charles d’Ambleville ou du châlonnais Pierre Colin avec les professionnels de l’Ensemble Gilles-Binchois…

Et ce n’est qu’un début. Dijon prépare le deux cent cinquantième anniversaire de la mort de Rameau en 2014 avec un programme à faire pâlir les Folles Journées de Nantes. Etienne Meyer, chef et ténor bien connu, offre dans toute la Côte-d’Or des soirées de danse ancienne et de musique baroque (Les Traversées baroques)…



Et puis voici Patrick Ayrton. Un phénomène. De ces musiciens comme on en rencontrait partout aux XVII° et XVIII° siècles, sachant jouer de tous les instruments, composant, dirigeant, tous des "avant-Mozart" incroyablement doués et entreprenants. Le dit Ayrton a dirigé déjà à l’Auditorium de Dijon, c’est lui qui a redécouvert Joseph Touchemoulin (1727/1801), bourguignon très célèbre en son temps, dont il a dirigé une oeuvre majeure lors du dernier concert de l’Orchestre Dijon Bourgogne.

C’est lui, enfin, qui fait venir à Dijon la diva américaine Claron Mc Fadden pour un concert avec son ensemble Les Inventions. On y entendra des cantates d’un certain Thomas-Louis Bourgeois – Dijonnais qui travailla longtemps avec Claude Rameau, le frère de Jean-Philippe – et bien sûr du Rameau avec des extraits de la désopilante comédie lyrique Platée.

Il serait temps de nettoyer la statue de Rameau sur la place qui jouxte le théâtre de Dijon, ainsi que la plaque (trop haute) qui rappelle sa naissance au-dessus d’un portail de la rue Vaillant !

Michel HUVET


jeudi 24 novembre 2011

DANIELLE MITTERRAND ET LA VILLA ROMADA



Danielle Mitterrand est de retour en Bourgogne. Sa Bourgogne. C’est sur cette terre qu’elle convainquit François Mitterrand d’entrer dans la Résistance que sa famille avait rejoint depuis belle lurette. C’est à partir de Cluny et de sa famille qu’elle convainquit le même François Mitterrand que la gauche et le socialisme étaient aussi faits pour lui, bouillant ministre de la IV° qui n’avait pas de place dans la V°…

Cette dame exceptionnelle devait retourner dans sa famille. Et plus particulièrement tout près de la Villa Romada. Romada comme les premières syllabes de chacun des prénoms des trois enfants Gouze : ROger, l’aîné qu’elle aimait tant (directeur de l’Alliance Française, disciple d’Alain et ami de Bernanos), MAdeleine sa grande soeur (devenue Christine Gouze-Raynal, directrice de Elle), et DAnielle, elle-même, devenue première dame de France entre 1981 et 1995.

Il y a quelques années, juste après le décès de son frère Roger, elle accepta ma demande de venir à Dijon, au Salon du Livre que je présidais, à l’occasion de la parution de son Livre de ma mémoire, et s’en vint même au Théâtre des Feuillants présider la soirée que nous organisions en projetant en avant-première le film de Thierry Machado, Danièle Mitterrand l’insoumise.

À 83 ans, l’insoumise avait gardé un charme exceptionnel, un sourire désarmant, une volonté hors du commun. Son combat pour l’eau ou sa lutte pour les Kurdes lui collaient à la peau, hors tout engagement de politique politicienne. Et sa famille la portait, elle l’avouait sans honte, heureuse de la retrouver à Cluny chaque lundi de Pentecôte avec la montée de la Roche de Solutré qui correspondait à un voeu familial bien plus vieux que le mitterrandisme.

Cette année-là, elle nous avait emmenés dans l’un des nombreux châteaux lamartiniens : la photo que je voulus prendre d’elle est celle-ci. Elle s’était assise au bureau d’Alphonse de Lamartine au château de Saint-Point et c’est elle qui demanda à son fils Gilbert de la rejoindre. Elle nous parla de Lamartine, de la manière dont son frère Roger Gouze vantait l’auteur de l’Histoire des Girondins, de ses luttes et de ses souffrances.

Elle nous emmena enfin dans la jardin de la villa Romada où l’on inaugura une stèle à la mémoire de son frère Roger qui avait voulut qu’on y grava : "Mon corps est au cimetière, mon esprit est ici".

Ils y sont réunis pour toujours.

Michel HUVET


mercredi 9 novembre 2011

LE "BARBARE" ROGER BOUTEFEU AURAIT EU CENT ANS EN 2012






J’ai évoqué récemment la nécessaire commémoration par Dijon du centenaire d’André Ameller, musicien, compositeur, directeur du conservatoire de cette ville. J’aurais pu citer aussi Henri Vincenot, l’auteur de La Billebaude, ou Roger Gouze, tous nés eux aussi en 1912.

Sans oublier celui qui a marqué deux générations avec Jours de fête et le Journal du barbare, Roger Boutefeu, devenu bourguignon sur le tard quand cet ancien anarchiste et combattant avec les républicains espagnols s’en vint s’installer avec ses cinq enfants à Agey, dans le bas de Sombernon.

Roger Boutefeu était un ami. Du vieil anarchiste – ce qui lui valut la prison à la Santé à Paris après guerre – il avait gardé son franc-parler et un humour qui en dérangea certains, notamment à la Société des Auteurs de Bourgogne où il avait rejoint Lucien Hérard et Roger Brain.

Le Dictionnaire international de Anarchistes le décrit ainsi : "Fils d’un caoutchoutier, Roger Boutefeu, avait eu une enfance miséreuse et fut très jeune sur le ‘’trimard’’. C’est sur la route qu’il avait eu ses premiers contacts avec des bucherons libertaires. Il demeurait à Paris avant la Seconde Guerre mondiale et travaillait comme sangleur dans une entreprise de presse. Il fut, en 1933, gérant de Rectitude, organe de la Ligue des objecteurs de conscience, fondée par G. Leretour, où il écrivait sous le pseudonyme de A. Duret.

Volontaire en Espagne à l’été 1936, il envoya plusieurs articles et comptes rendus auLibertaire. Revenu en France il fut, de septembre 1937 à août 1938, gérant du Libertaire et, en 1939, membre de la commission administrative de l’Union anarchiste. Il fut également un des secrétaires de la Jeunesse anarchiste et comptait parmi les orateurs du mouvement qui intervenait régulièrement dans les meetings de l’UA et des Jeunesses. Il demeurait à cette époque 83 rue de Belleville (Paris 20). En 1938, avec Georges Gourdin il fut le responsable du bulletin L’Exploité (Paris, n°1, 17 mars 1938) organe des groupes d’usines de l’Union anarchiste, dont un deuxième numéro devant paraître le 8 avril n’a pas été retrouvé.
Condamné en janvier 1939 à douze et dix-huit mois de prison pour "provocation de militaires à la désobéissance dans le but de propagande anarchiste", il se convertit au catholicisme pendant sa détention à la prison de la Santé. »



Je garde précieusement les lettres de cet ami hors du commun qui signait toujours par cette formule : “Mes deux mains”.

Michel HUVET


samedi 5 novembre 2011

DE CANNES À ASSISE : SOUVENIRS D'AUTOMNE


Photo Reuters


Le silence, parfois, vaut mieux que la logorrhée dont ce temps est prolixe. Le silence pour écouter la petite voix qui résonne en tout être, celle qui n’a pas le souci de l’apparence, celle qu’on s’efforce parfois de ne pas vouloir entendre, preuve qu’elle dit la vérité et qu’elle sait ce que nous nous efforçons de nous cacher à nous-même.

Le silence qui est toute musique, comme le vent dans les arbres d’automne qui laisse le solo au doux crépitement des feuilles rousses qui se détachent des branches et volètent jusqu’à terre en pluie nostalgique. Le silence qui nous éloigne enfin du vacarme médiatique dont le monde d’aujourd’hui souffre à l’évidence plus qu’il ne le croit. Le silence qui nous reconstruit.

Nous n’avons pas pourtant été sourds durant ces orages traversés où a dominé la peur, si mauvaise conseillère. Peur de la charia dans les pays dont les régimes ont été balayés par le souffle de la démocratie. Peur de manquer, là où l’abondance a trop longtemps régné : crise de l’euro, crise aussi de la démocratie elle-même. Significatif de constater – même si son projet était aussi de politique politicienne – comment l’idée de Papandreou de demander leur avis aux Grecs a jeté le trouble chez les repus du G20.

Il y eut, donc, le G20 sur la Croisette, après la nuit blanche bruxelloise. Au milieu d’eux, les grands patrons si préoccupés de leurs dividendes, les banquiers si préoccupés de leurs produits financiers. Et tout autour, loin du tapis rouge, les “altermondialistes” en colère qui tentent de faire entendre la voix des sans-voix, le cri des pauvres, l’assourdissante complainte des chômeurs, ces délaissés de l’injustice des puissants.



J’ai, alors, réécouté le chant qui est monté d’Assise III, cette mélodie de la fraternité des humbles suppliants. J’ai entendu la voix de ceux qui écoutaient encore la petite voix intérieure. J’ai même goûté les propos des athées ou de ceux qui se disent tels, à l’instar de Julia Kristeva, qu’on avait invité à se joindre aux priants de la ville de saint François. Ils ont dit, ceux-là, qu’il était temps que l’humanisme né des Lumières – et que ne comprit pas Joseph de Maistre – rejoigne enfin l’humanisme chrétien dont il s’était séparé pour le malheur des peuples au long des deux derniers siècles.

Et dans le fouillis de feuilles jaunies sur lesquelles j’ai marché, j’ai presque senti le souffle annonciateur du printemps.

Michel HUVET


lundi 10 octobre 2011

CÔTE-D'OR : LA FAUSSE "SURPRISE" MONTEBOURG


Arnaud Montebourg au soir du premier tour (Photo MAXPPP)



Avec plus de 25% des voix, Arnaud Montebourg a pris, en Côte-d’Or, la seconde place des primaires socialistes. Bien sûr, Hollande est en tête avec plus de 40% mais cela ne saurait surprendre dans la mesure où tout le staff hollandiste a été "prêté" par François Rebsamen.

Néanmoins, le score Montebourg pose un tas de questions, ici en Bourgogne, mais aussi là-bas dans toute la France. Ici : on ne saurait oublier la cote de sympathie naturelle du président du conseil général de Saône-et-Loire : il a fait ses études à Brochon, il a étudié le droit à l’université de Bourgogne, et – souvenons-nous du salon du livre de Dijon en 2005 où il s’était accroché avec le maire de Dijon – il a déployé ses ailes et ses arguments depuis bien des scrutins, notamment européens.

Cela ne suffit pas pour expliquer que dans bien des terres rurales de Côte-d’Or, il ait atteint et dépassé dimanche les 30% ! Une épine pour le sénateur hollandiste dijonnais : comment capter tout ou partie de cet électorat qui penchera naturellement pour Martine Aubry ou qui – pour celui venu de la droite rurale – ne retournera pas voter.

Et là-bas en France : le score Montebourg (près de 18%) devrait naturellement se reporter, au moins pour les deux tiers, sur la fille de Jacques Delors. Et comme on peut penser que jamais l’électorat de Ségolène Royal n’ira se reporter sur l’ex, on voit que les jeux sont loin d’être faits, surtout dans ce contexte de refus de la gauche jadis appelée "caviar" et où les socialistes ne doivent pas oublier qu’il ne leur faut pas chagriner leurs alliés pour 2012, les écologistes façon Eva Joly et les tout-à-gauche venus du communisme ou des altermondialistes.

Et donc, si Martine Aubry l’emporte dimanche prochain, on peut penser que cette victoire-là ouvrirait un boulevard à un certain autre François, en l’occurrence Bayrou, bien aidé depuis huit jours par le retrait de Borloo et la crispation d’une bonne partie du Centre et de l’UMP à la perspective des législatives qui suivront la présidentielle.

Michel HUVET


mercredi 5 octobre 2011

DIJON : LE QUATUOR MANFRED MENACÉ ?


Le Quatuor Manfred (Photo Rozenn Quéré)



On fera prochainement le bilan de ce qu’a apporté à la vie musicale de la Bourgogne la présence permanente d’une formation comme celle du Quatuor Manfred dont la réputation internationale n’est plus à faire.

Ceux qui douteraient de la qualité de ce quatuor peuvent se rendre ce mois-ci à l’Auditorium de Dijon où les quatre artistes se produiront dans des oeuvres d’autant plus remarquables qu’elles sont des créations contemporaines : le Quatuor n°3 Todesfuge du regretté Olivier Greif sera donné avec un quatour vocal venu d’Arsys Bourgogne avant qu’on entende successivement le "silence" du Premier Quatuor du jeune Bruce Pauset  et Les Portes de Babel de Philippe Fénelon sur des poèmes de Jean-Philippe Masson (17 octobre).

On ne sait pas toujours que les quatre artistes des Manfred sont aussi professeurs au conservatoire à rayonnement régional de Dijon, une audace saluée en son temps par le ministère de la Culture et tout à l’honneur du directeur de l’époque, Jean-Louis Gand. En tant qu’enseignants, les quatre ont lancé de nombreux jeunes quatuors et formé des centaines de jeunes solistes. Avec leurs saisons de concert originales (au musée des beaux-arts comme dans les lieux les plus inusités de la ville), avec leur festival annuel dans toute la région (Musiques en Voûtes), avec leurs disques, ils ont donné de Dijon une belle image musicale.

Il se dit ici ou là dans la ville – ce n’est pas une simple rumeur – que le nouveau directeur du conservatoire ne veut plus des quatre Manfred comme enseignants, estimant "n’avoir pas besoin d’eux”. Il se dit aussi – et ce n’est toujours pas une rumeur – que ce directeur a l’aval de son supérieur, le directeur des affaires culturelles de la ville, lui-même ancien directeur de conservatoire.

Même si ce qui se dit est avéré, on se refuse à le croire.

Michel HUVET

lundi 26 septembre 2011

LA MAÎTRISE DE DIJON À L'ABBAYE DE FONTENAY

La Maîtrise de Dijon dans le choeur de l'église de Fontenay

Il y a des soirs d’automne où l’été reste présent. Les feuilles des arbres embaument, la lune jette des clartés ignées sur les ombres forestières, et le coeur est alors, déjà, en prière. C’est ce qui s’est passé l’autre soir à l’abbaye de Fontenay – qui célèbre cette année le 30° anniversaire de son classement au patrimoine mondial de l’Unesco – où la remarquable Maîtrise de Dijon a donné un "concert exceptionnel" tout entier consacré à la musique grégorienne et à la polyphonie classique.

Alain Chobert, le maître des lieux et de ces visages sonores tous tendus vers lui, n’a pas ménagé sa peine pour que les 600 auditeurs n’aient pas le temps de sortir de cet état d’oraison que les lieux avaient déjà installé. Pas d’entracte, rien qu’un long déroulé du répertoire des plus exigeant, du XII° au XVII° siècle, de la monodie processionnelle de l’Iste confessor à l’Exultate Deo de Scarlatti, les choristes quittant l’église abbatiale guider le public, aux accents du Gloria laus et honor hispano-gregorien, vers le cloître illuminé de 1 000 bougies.

Choeur d’hommes, jeunes femmes des Fiori Musicali, choeur d’enfants, tous entourés de virtuoses baroqueux comme Benoît Tainturier et Liselotte Emery (cornets), Jean-Michel Weber et Damien Froelich (saqueboutes), voire Matthieu Leguay à l’orgue discret mais si efficace : la perfection de la Maîtrise dijonnaise vient de son chef (1) qui a l’art de l’exigence pour rendre ces musiques sacrées totalement actuelles.

Ou plutôt totalement intemporelles à l‘instar de ce Salve Regina triste et grave de Viadana (à huit voix !) ou encore, ou surtout, de ce Populus meus, grégorien du Vendredi-Saint à la polyphonie de Bernabei, méditation désespérée aurpès de Celui à qui, sur la croix, plus personne ne répond… Alain Chobert laisse cette douce plainte se répandre en longs sillages murmurés. C’est inouï à ce degré d’intensité spirituelle.

Michel HUVET

(1) Et de son adjoint, Etienne Meyer




vendredi 23 septembre 2011

JEAN-PAUL II EN LIVRES : SEUL ALAIN VIRCONDELET...



On sait que l’Église vient de béatifier Jean-Paul II, qui fut non seulement pape mais surtout un des plus grands saints du millénaire qu’il a conclu. Beaucoup de livres sont parus qui nous ont raconté des anecdotes sur sa vie, l’ont critiqué ou ont tenté de le comprendre.

Telle n’est pas la démarche d’un de nos plus grands écrivains – ses ouvrages sur Saint-Exupery ou Balthus sont des chefs-d’œuvre tout autant que ses romans – : il se nomme Alain Vircondelet. Cet éminent professeur est souvent venu dans les salons du livre de  Dijon du temps où ne pesait pas sur lui l’ostracisme des jaloux boursicoteurs du livre et des marionnettistes des fêtes du livre qui voudraient être les seuls à s’accaparer un sujet, en l’occurrence tout ce qui touche au Vatican (les ragots font vendre) ou au défunt pape polonais.



Alors je voudrais, moi, rendre hommage à deux des meilleurs livres parus sur Jean-Paul II et qu’a signés Alain Vircondelet de sa plume agile et fine, avec son sens aigu de l’analyse juste et de la vérité absolue. Lisez son Jean-Paul II ; la vie de Karol Wojtyla (1), vous en ferez très vite votre livre de chevet. Lisez ensuite Saint Jean-Paul II (2), vous aurez du mal à ne pas avoir constamment ce livre dans votre serviette ou votre sac à main.

La rigueur d’Alain Vircondelet, son talent, le laissent à l’écart des grands médias, lui-même ne faisant rien d’ailleurs pour être broyé par la peopolisation outrancière de notre République des Lettres. On a simplement parlé de lui quand, outré d’avoir été plagié par un cinéaste, il a engagé une procédure pour que son droit soit reconnu : bourré de citations entières, le scénario de Séraphine – qui a eu 7 césars ! – est à l’évidence une copie du beau livre d’Alain Vircondelet, Séraphine, de la peinture à la folie (3).

Lisez Alain Vircondelet, vous voulez bien ?

Michel HUVET

(1) Flammarion (2) Plon (3) Albin Michel



mardi 20 septembre 2011

SAINT-PHILIBERT DE DIJON : PIQÛRES DE RAPPEL

(Photo DijOnscOpe)


Les Journées du Patrimoine à Dijon ont révélé de nouveaux trésors, depuis les restes découverts après les fouilles archéologiques effectuées avant les travaux de construction du tramway jusqu’à cette église Saint-Philibert, réouverte enfin à des expositions d’art.

Les médias locaux, toujours aussi peu réfléchis, ont tenté de dire que c’était un lieu “roman” bien réhabilité, et hop, le tour était joué. Il convient de rappeler d’abord que cette église est une de deux seules nefs romanes complètes que nous ayions en France, l’autre étant Saint-Trophime en Arles. Ensuite que cette restauration et ouverture de Saint-Philibert à l’art ne date pas de 2011 et n’est pas due qu’à la seule initiative de l’actuelle municipalité.

C’est dès le début des années 80 du XX° siècle, sous le règne de Robert Poujade, que Saint-Philibert fut réhabilitée, notamment grâce à l’adjoint à la Culture, Michel Grivelet : de très importantes expositions d’art contemporain s’y déroulèrent des années durant, jusqu’à ce que les experts interdisent la fréquentation du lieu pour des raisons de sécurité : l’église ayant servi de grenier à sel après la Révolution française, ses piliers en regorgeaient et la pierre en était gonflée jusqu’à menacer de rompre.

Il fallut fermer le lieu. De savants docteurs ès pierre se penchèrent sur la malade, on y injecta des produits divers et variés susceptibles de guérir l’endroit de sa salinité. Il est vrai que l’actuel maire et son équipe décidèrent très tôt de poursuivre ce sauvetage. C’est fait. Merci.

Restera – et là aussi il y a urgence – à soigner l’enveloppe de l’église. Des touffes de hautes herbes percent sa toiture en maints endroits, des pierres sculptées tombent sur les passants ou s’effritent, les inscritions latines sculptées sur ses côtés sont dévorées par l’ussure et le vent, et son parvis encrotté mérite un peu plus de soins.

Michel HUVET

vendredi 16 septembre 2011

PRIMAIRES PS : LA POLITIQUE RÉHABILITÉE




Ce débat des six candidats aux primaires socialistes est, partout ce matin, commenté avec une mauvaise foi évidente. Rendez-vous compte : "Il n’y a pas eu d’éclat" dit l’un, obsédé par les coups bas et les petites phrases qui font désormais le miel des médias, occultant l’essentiel qui ne les intéresse plus. "Ce fut parfois ennuyeux" dit l’autre, qui doit se dire qu’un débat sérieux sur le fond ne va pas faire augmenter son tirage.

L’honnêteté intellectuelle oblige à dire que ce débat, qu’on aime ou pas les socialistes, a été d’une très bonne densité de réflexion politique. Cette présentation à six voix d’un programme discutable, mais plein d’envie de ne pas promettre de raser gratis, m’est même apparu comme susceptible de réconcilier une partie de l’électorat avec la politique. Enfin on est revenu au fond  ! Et cela a fait soudain un bien fou.

L’autre fait, c’est que ces primaires sont, en France, une grande première. Un bon point pour la démocratie. Dommage, pensera-t-on, que la droite n’ait pas fait la même chose : certes elle détient le sortant qui sera candidat à sa propre succession et qui veut que le silence règne dans ses rangs. Mais il eut été bon qu’elle fournisse elle aussi un débat de cette qualité entre les représentants de factions qui, même si elle le nie, existent bel et bien en son sein.

J’ai retenu aussi, de cette émission bien tenue par des journalistes anti-stars, la dignité avec laquelle chacun et chacune s’est exprimé, comme si la vie politique, enfin, se détournait du sensationnalisme et revenait à ses fondamentaux. Avez-vous remarqué qu’on a enfin parlé de ce que vivent les Français, de leur vie quotidienne, qu’on a parlé de de la jeunesse, qu’on a parlé de citoyenneté ? Le tout sans surenchère facile, sans démagogie excessive, sans invectives et sans anathèmes.

Enfin, il y avait dans tout ça, malgré tout, un petit côté télé-réalité : qui s’en sort vainqueur, qui sera le plus apte à affronter le président sortant au second tour de mai prochain ? Et là, en s’efforçant d’oublier nos sympathies naturelles, disons que Martine Aubry a paru la plus directe et la plus franche, la plus convaincue aussi. Juste derrière elle, François Hollande a été très bon, affirmant une autorité réelle, mais donnant malgré tout l’idée qu’il "surjouait", bien coaché par ses lieutenants. Et Arnaud Montebourg ? A part son inutile emphase finale, il a flatté bien des pauvres gens dans le sens du poil, ses yeux bleus faisant, si l’on ose dire, le reste !

Que près de 5 millions de Français aient regardé ce débat est aussi réconfortant : un signe que le pays ne va pas si bien que certains veulent le dire et que les Français ne sont pas si indifférents à la chose politique qu’on nous le fait croire ici ou là.

Michel HUVET






lundi 12 septembre 2011

ANDRÉ AMELLER : CENTENAIRE EN 2012



Dans moins d’un an, André Ameller aurait eu 100 ans. Oh, bien sûr, en ces temps d’amnésie organisée, à quoi bon évoquer la mémoire d’un musicien né en 1912 et décédé en 1989 ?

Il se trouve qu’André Ameller a été un musicien protée, un directeur de conservatoire novateur, un chef d’orchestre apprécié, un compositeur prolifique, un prophète de la musicothérapie, un défenseur des musiciens amateurs, un bousculeur de l’ordre établi. À Dijon où cet ancien contrebassiste de l’Opéra et des Concerts Lamoureux dirigea le conservatoire de 1953 à 1981, André Ameller en fit tout et d’abord un établissement de plus de 1 500 élèves à qui toutes les disciplines étaient offertes, jusques et y compris le jazz, le théâtre et la danse.

C’est ce directeur hors normes qui favorisa la création de la chaire de musicologie à l’université de Bourgogne. C’est ce professeur qui obtint la création de postes d’assistants spécialisés dans les écoles primaires. C’est cet organisateur qui parvint à multiplier les écoles de musique dans les villes moyennes de Bourgogne et du Jura (Lons, Chenôve, entre autres). C’est ce président national de la Confédération Musicale de France qui fit ouvrir à Toucy (Yonne) un centre de musicothérapie.

Le CNR de Dijon

Et puis, il y a mieux : André Ameller obtint après des années de bataille avec la mairie, qu’on construisît enfin un conservatoire digne de ce nom à Dijon : au moment où Olivier Messiaen s’en vint l’inaugurer (1982), le directeur qui avait tout fait et venait de partir à la retraite ne fut même pas invité : personna non grata, lui dit-on.

Alors, pour que justice soit rendue à homme, pour qu’hommage soit rendu au musicien, pour que soit réveillée l’action de ses "Amis", pour que Dijon donne enfin au directeur la place qu’il mérite dans la mémoire de la Ville, il convient de ne pas rater ce centenaire qui s’annonce.

Que tous les musiciens qui lui doivent tant commencent par se mobiliser. Je m’occupe du reste !

Michel HUVET




jeudi 8 septembre 2011

LA PSEUDO LIBERTÉ ILLIMITÉE




Il y a déjà un moment que je ressens douloureusement le processus de décomposition de l’individu et de la société : c’est la caractéristique de notre post-modernité.

Lors de la fête de saint Bernard, célébrée près de sa maison natale à Fontaine-les-Dijon le dimanche 4 septembre dernier, l’archevêque de Dijon, Mgr Roland Minnerath, a une fois de plus, et en s’appuyant sur l’éthique universelle, fustigé cette pseudo liberté de notre monde post-moderne, une liberté prétendument "illimitée".

Comme les forfaits téléphoniques, la liberté illimitée est évidemment une douce illusion, le triomphe de l’égoïsme et de toute barbarie. Oui, il convient de réensemencer le monde de ces valeurs dites chrétiennes qu’il a fait si bon brocarder et ridiculiser depuis un bon quart de siècle.

J’ai ainsi apprécié le courage de ce lecteur de La Croix qui écrivait depuis le Rhône dans le courrier des lecteurs de ce journal :

"Que faire ici-bas sinon jouir et profiter le plus possible dès lors qu’il n’y a plus ni vérité ni bien, qu’il n’y a plus ni raison d’être ni fin certaines de l’existence humaine ? Cela ne peut engendrer que le désespoir, la révolte, la violence ou le recours à l’alcool et aux drogues jusqu’à la manifestation de la barbarie elle-même. Non, il n’y a pas de systèmes miracles, ni révolution ou pseudo-réformes quelconques qui puissent enrayer en profondeur ce processus de décomposition. C’est à l’homme de bonne volonté, confronté à cet état limite de se convertir et de retrouver en lui les principes directeurs du sens spirituel de sa propre vie, sa vraie finalité et ainsi de pouvoir agir avec ce dont nous manquons le plus aujourd’hui : un supplément d’âme."

Mais l’âme, sait-on encore ce que ce peut être ?

Michel HUVET

vendredi 2 septembre 2011

MOZART ET LE MISERERE : CE N'EST PAS UNE LÉGENDE


Partition du Miserere (début)


J’ai dit ici, en août, avoir entendu un digne présentateur musicologue – c’était au festival de l’abbaye de Lessay où se produisait le choeur Arsys Bourgogne – affirmer que l’histoire selon laquelle le tout jeune Mozart avait copié de mémoire le Miserere d’Allegri "était une légende".

Or non, ce n’est pas une légende. À preuve, cette lettre de Léopold Mozart, le père, en date du 14 avril 1770, postée à Rome (Mozart a 14 ans) et adressée à Mme Mozart à Salzbourg. Je lis : "Tu as peut-être déjà entendu parler du célèbre Miserere de Rome, tellement estimé que les musiciens de la chapelle ont l’interdiction, sous peine d’excommunication, de sortir la moindre partie de ce morceau, de le copier ou de la communiquer à quiconque ?"



Et Léopold poursuit : "Eh ! bien, nous l’avons déjà (1). Wolfgang l’a écrit de tête, et nous l’aurions envoyé à Salzbourg avec cette lettre si nous ne devions être présents pour son exécution. Comme c’est un des secrets de Rome, nous ne voulons pas le confier à des mains étrangères ut non incurremus mediate vel immediate in Censuram Ecclesiae" (2).

La plus belle version connue de ce Miserere est à mettre au crédit d’un disque de la Maîtrise de Dijon dirigée par Alain Chobert. À écouter et réécouter.

Michel HUVET

(1) Souligné dans le texte
(2) Pour ne pas encourir, directement ou indirectement, la censure de l’Église

jeudi 1 septembre 2011

CERISY CONTRE "LA DÉFAITE DE LA PENSÉE"

Terminant à peine le dernier petit essai d’Alain Finkielkraut, La Défaite de la pensée (1), je pourrais perdre tout espoir quant à l’évolution humaine. Même si le philosophe a des analyses pertinentes, il s’emberlificote dans des digressions analytiques qui laissent l’impression que rien ne va plus aujourd’hui quand tout allait bien jadis, et que notre époque est celle qui met sur le même plan les prophéties de Victor Hugo et le dernier tube d’un rockeur.

Alain Finkielkraut


Quand Finkielkraut dit que "l’individu post-moderne a oublié que la liberté était autre chose que de pouvoir changer de chaîne", il n’a pas entièrement tort mais il est clair que son jugement est aussi celui de quelqu’un de profondément pessimiste et qui fait trop peu confiance à l’homme.

Je lis en même temps un gros livre publié chez Herman, De Pontigny à Cerisy, des lieux pour penser ensemble, qui me rappelle combien la Bourgogne, avec les décades de l’abbaye de Pontigny, a compté dans la nourriture de la pensée au début du XX° siècle, comme si les Copeau, Gide, Desjardins et autres "NRF" avaient anticipé les malheurs qui allaient leur survivre. Et, lisant les actes du colloque Pontigny, Cerisy (1910-2010), un siècle de rencontres au service de la pensée, j’en retire que rien n’est perdu pour la pensée.

Michel Wievorka


Surtout quand je lis Michel Wievorka, grand défenseur des sciences sociales, qui n’hésite pas à faire le même diagnostic que Finkielkraut mais pour en conclure le contraire. "La vie avec la pensée, dit ce dernier, cède doucement la place au face-à-face terrible et dérisoire du fanatique et du zombie". Et le premier dit, lui : "Nous sommes dans une période où la vie des idées se recompose et où s’ébauche un espace théorique ou général de débats".

Les sciences sociales sauveront-elles la philosophie ?

Michel HUVET

(1)  Folio, essais, 2010

mercredi 17 août 2011

BAVURE ANTI-LAÏQUE SUR EUROPE 1




Au milieu des embouteillages dûs au travaux de construction d’un tramway dans la ville harassée, la radio de bord, tout-à-coup, vers 13 h 15 en ce 16 août, me met hors de moi à l’occasion d’un pseudo-débat sur l’euthanasie. Entendant le président de Mourir dans la Dignité lui raconter qu’un député "qui défend la vie" lui aurait dit "Ta vie ne t’appartient pas", le journaliste (sans doute Luc Evrard) en remet une couche en s’écriant : "Et c’est un député d’un état laïque qui dit une chose pareille ?"

Trop, c’est trop. Car enfin quoi, qu’est-ce que la laïcité vient faire là-dedans ? Est-ce que la phrase incriminée est imprononçable dans une république laïque ? C’est quoi, ce cirque de l’hypocrisie bien-pensante ? Mon sang ne fait qu’un tour et je manque d’un rien d’accrocher un cycliste qui serpente entre les voitures serpentant elles-mêmes entre trois plots et quatre chicanes invraisemblables.

Oui, cette fois, ça suffit. Parce que les catholiques défendent la vie de la conception à la mort, il faudrait qu’ils soient bannis de la République, qu’ils portent une étoile jaune et qu’on construise des camps à leur intention ? Est-ce que ces messieurs prétendûment journalistes ont un jour appris à réfléchir ? Ces suivistes des gourous soi-disant affranchis ne seront-ils donc jamais sanctionnés pour leurs manquements à la plus élémentaire déontologie ?

La simple éthique sociale universelle, qui vient effectivement des notions de respect de la vie et de personne humaine amenées par le christianisme, dit bien que la laïcité est d’abord le respect de tous et la liberté de chacun. Que la tolérance est la vertu républicaine par excellence. Et puis, même sur le fond, pourquoi n’aurait-on pas le droit de penser que la vie est un don, qu’on l’a reçue et non voulue, et que nous n’en disposons pas comme d’un hochet, et que si nous le faisions, la boîte de Pandore serait grande ouverte sur l’horreur ?

La laïcité, pour moi, c’est aussi de pouvoir écrire ça.

Michel HUVET





samedi 13 août 2011

SAINT-HONORÉ-LES-BAINS NE DOIT PAS MOURIR

Connaissez-vous le lieu le plus hors du temps de toute la Bourgogne ? Au bas du Morvan, sous le mont Beuvray, entre les pins et les étangs, près d’une source vivifiante, dort Saint-Honoré-les-Bains.



Une station thermale comme on les aimait à la Belle Époque, avec de vieux palais hôteliers, un parc immense que les oiseaux habitent en chantant, un vieux court de tennis pour les belles descendues là en hispano-suiza, des thermes impressionnants avec leur décor en faïence verte et blanche, un petit paradis tout entouré de villas à balcons. On est là “sous la mer”, quelque part entre Atlantide et Nautilus, le temps n’existe plus, le présent seul reste immuable. 

Au-dessus, oui, une petite ville survit, avec sa mairie et son café du commerce, et son église tout là haut, au troisième niveau. L’an dernier, le Tour de France y est passé, et les commerçants ont eu le sentiment d’une résurrection, juste le temps d’un après-midi avec casquettes en papier et accordéon de circonstance. Et puis tout est rentré dans le silence. Saint-Ho se meurt doucement dans l’indifférence. Des lambeaux de ce qui fut, il y a encore peu, un vrai salon du livre, font encore parfois un petit signe dans la grisaille ambiante. L’hôtel du Parc, qui se rappelle qu’ici Louis Malle tourna Les Amants, n’est plus habité que par les chauve-souris qui pendent le jour aux poutrailles mal étayées et sous des plafonds qui, la nuit, laissent voir les étoiles.



Et pourtant, quelques-uns y croient. Un tel patrimoine attend ses sauveteurs. Déjà, des initiatives naissent ici ou là, une nouvelle directrice des thermes veut secouer la torpeur, ouvrir son établissement à tout le tourisme de bien-être, au-delà des soins traditionnels de maladies respiratoires ou rhumatologiques. Un projet culturel et touristique est prêt, quelque part, que sont prêts à soutenir des créateurs culinaires comme Guy Canot chez Lanoiselée, ou le très inventif Jean-Bernard Pilon au Bristol Thermal Hôtel, sans oublier le chef généreux du Centre, Marc Delamotte. Saint-Honoré ne veut pas mourir et ne mourra pas. Il faut que ses palais sous la mer soient revisités et que ses quarante-six maisons à vendre trouvent vite preneur.

Qui aime Saint-Honoré-les-Bains nous rejoigne. Vite.

Michel HUVET


mercredi 3 août 2011

LISZT EN PRIÈRE À L'ABBAYE DE LESSAY



L’abbaye de Lessay est située dans la Manche, dans cette lande si chère au coeur de Jules Barbey d’Aurevilly qui y a situé sa célèbre Ensorcelée. Là se tiennent chaque année en été l’un des plus beaux festivals, les "Heures Musicales de Lessay".

On s’y retrouva très nombreux le 26 juillet dernier pour entendre le choeur Arsys Bourgogne dirigé par Pierre Cao dans un programme lié à Liszt dont on célèbre le bicentenaire de la naissance. Liszt religieux, Liszt homme de foi en deux "itinéraires" qui nous ont emmené à la chapelle Sixtine à Rome puis le long de la via dolorosa à Jérusalem.

Le silence se fait, long temps d’attente. Puis la main de Pierre Cao se lève et un souffle musical lui répond, c’est le début pianissimo du Stabat Mater de Palestrina. On comprendra après l’entracte pourquoi Liszt l’apprécia avec tant d’émotion. Pour l’heure, voici son très méconnu Stabat Mater speciosa à lui, précédant le trop fameux Miserere d’Allegri (1) que les solistes féminines chantent depuis le fond de la nef de Lessay, en écho aux répons venus des voix restées dans le choeur de l’abbaye littéralement en prière.



Donc, après l’entracte où, dans les jardins, on a vu jouer le soleil avec la pierre ocre et les bosquets verts, voici le Via Crucis (chemin de croix) de Liszt. C’est Palestrina revisité. Des plaintes d’orgue – ici refletées par les jeux "de bambou" des anches de l’instrument normand joué par Mathias Lecomte – laissent filtrer par instants des solos aux accents déchirants des femmes entourant Marie. Une écriture musicale d’une époustouflante modernité, Liszt se délivrant de toutes les chaînes stylistiques de son temps.

Pierre Cao n’a pas voulu, après une telle oeuvre, donner le moindre bis. Les mélomanes se sont consolés dans les jardins de l’abbaye avec un cidre local permettant à chacun de se remettre de pareilles émotions.

Michel HUVET

(     (1) Le présentateur officiel du festival a parlé de la "légende" qui veut que Mozart enfant ait copié de mémoire ce Miserere réservé à l’époque à la seule chapelle Sixtine. J’y reviendrai bientôt ici pour démontrer qu’il ne s’agit pas du tout d’une légende.

mercredi 13 juillet 2011

TGV ET TRAM À DIJON : LA VILLE SUR RAILS


Le TGV en gare de Dijon



Les anniversaires du rail se suivent et se ressemblent en cette année 2011. Il y aura en effet 50 ans le 1er décembre prochain que circulait le dernier tram dijonnais, le « 1/6 », et chacun put ce jour-là circuler gratuitement une dernière fois dans le vieux « train de ville » grâce au ticket gratuit offert par Le Bien Public. Un anniversaire d’autant plus intéressant qu’il coïncidera avec la fin de la mise sur rails du nouveau tram dijonnais encore en construction.

Et puis voici le 30° anniversaire du TGV ! Personne n’oubliera ce jour de soleil où les élus de Bourgogne, les chefs d’entreprise et un président de la République nommé François Mitterrand embarquèrent gare de Lyon à Paris pour une promenade à plus de 300 km/h jusqu’à Dijon. Emotion : il y avait même à bord le chef d’orchestre Lorin Maazel qui trouvait que la musique de ce train révolutionnaire sonnait comme un « la » que jouerait un violon en sourdine.

Étaient aussi présents, tous barbus, tous nouveaux députés depuis trois mois à peine, les élus de la « chambre rose » qui avait suivi l’élection présidentielle du 10 mai, notamment Hervé Vouillot, Roland Carraz... et (déjà) François Patriat sans barbe, lui.  Conçu sous Giscard, mais inauguré par son successeur, le TGV avait alors battu le record du monde de vitesse entre Paris et Dijon et tous se turent au moment où le conducteur annonça qu’on venait de franchir la barrière des 300 km/h : un silence éloquent et inoubliable.

Il est clair que ces anniversaires nous rappellent la dette énorme que Dijon doit au rail. Sans le PLM passant, grâce à Henri Darcy, par le tunnel de Blaisy, la ville ne serait jamais sortie de la torpeur provinciale dans laquelle elle baignait depuis Napoléon 1er. Le rail l’a sauvée, comme il la sauve aujourd’hui alors qu’elle devient le cœur ferroviaire de l’Europe, le TGV Rhin-Rhône lui promettant d’être le passage obligé de la grande ligne Francfort-Barcelone…

Les rails du tram en construction avenue du Drapeau


Quant au tram, il prolongera en ville cette image d’une cité ferroviaire. C’est Henri Vincenot qui doit se réjouir, lui qui regarde désormais la cité ducale depuis les étoiles de Compostelle. Quant au vieux Tremblot, il se réveillera en chacun de nous le 1er décembre quand, on l’espère, monsieur le maire nous invitera à monter dans le tram nouveau, au moins sur un court tronçon.

Michel HUVET


dimanche 10 juillet 2011

OTTO DE HABSBOURG : LA MORT DU DUC DE BOURGOGNE

Karl et Otto de Habsbourg siégeant au Parlement européen



Il incarnait la liberté, il incarnait l’Europe, il incarnait l’espoir de paix. Otto de Habsbourg était, certes, le fils aîné du dernier empereur régnant d’Autriche, le chef d’une Maison qui a tenu fermement l’Europe en mains pendant des siècles mais aussi le descendant … des ducs Valois de Bourgogne.

Car enfin, a-t-on oublié que Otto de Habsbourg descend en ligne directe de … Philippe le Bon (dont la petite fille, Marie, épousa Maximilien de Habsbourg, futur empereur romain germanique, grand père de Charles-Quint), le fondateur de l’Ordre de la Toison d’or dont il n’a jamais oublié son idéal européen et pacifique.

C’est ainsi qu’en 2007, pour la Saint-André, Otto et son fils Karl, devenu grand maître de l’Ordre toujours vivace, sont venus à Dijon : le vieux prince voulait absolument renouer avec la capitale ducale où Philippe-le-Bon installa en 1430, dans la Sainte-Chapelle de Dijon, le premier chapitre de l’Ordre. Et l’on vit défiler à nouveau, de Notre-Dame au palais ducal, collier au cou, ces chevaliers contemporains qui étaient venus de toute l’Europe prier saint André.

Lors de ce séjour, qui avait été longuement préparé par son fils Karl, Otto fit des apparitions au château du Clos-de-Vougeot, s’en vint sous le chapiteau du Salon du Livre raconter comment il avait résisté au nazisme et combattu l’Anschluss, et comment, devenu député européen il avait relancé tous azimuts l’idéal des ducs de Bourgogne pour une Europe unie et pacifique.

Otto de Habsbourg reçu par le pape Jean-Paul II à Rome


Devant l’archevêque de Dijon, devant son père Otto et les chevaliers de l’Ordre, Karl de Habsbourg s’adressa à la population de Dijon comme en son temps son « grand-père » Philippe le Bon :

« Quand le fondateur de l’Ordre, Philippe le Bon duc de Bourgogne, a donné ses règles à l’Ordre de la Toison d’or, il a mis deux idées pour le commencement : d’un côté, bien sûr, la protection, le support de la foi, la protection de la sainte Église catholique ; mais de l’autre côté, bien sûr aussi, la création d’une institution politique dont la plus importante tâche sera de protéger et de créer la paix entre les différents pays, de créer une institution qui sera extraterritoriale – qui comptait parmi les chevaliers de l’Ordre des souverains des différents pays qui étaient dans la région. De créer avec cela, vraiment, une région de la paix, une région qui a commencé avec le développement de la Renaissance et qui a commencé vraiment avec le vrai développement de l’Europe comme nous le savons aujourd’hui ».

Otto vient de mourir à l’âge de 98 ans. La Bourgogne, l’Europe, ne l’oublieront pas.

Michel HUVET

mercredi 6 juillet 2011

LE REGARD DE MOZART ENFANT


Trop d’information tue l’information. Cette fois, dans l’esprit des gens, tout se mélange : la princesse monégasque qui ne veut plus épouser son prince déjà trois fois papa adultérin, la romancière TB qui porte plainte contre l’avis de sa mère qui finalement est d’accord, l’ancienne championne de natation synchronisée qui devient directrice générale du FMI et a dû signer un code de déontologie avant d’entrer en fonction, le titulaire de l’Elysée qui se tait pour ne pas déranger, probablement, son épouse enceinte…

Il faut prendre du recul, tenter de réapprendre à écouter le silence, à entendre enfin les voix secrètes qui sont en nous, à nous reconstituer une intimité que le monde actuel rend tragiquement désuète. L’information qui nous enferme aujourd’hui comme les quatre murs d’une cellule de détention est d’abord, désormais, de la désinformation. La manipulation est derrière elle, la pousse et la mutile, la déforme et la salit.



Les vacances devraient être une occasion à ne pas manquer de souffler un peu, de laver nos regards, de désencombrer notre esprit malade de publicités et d’informations contradictoires. Un temps pour prier. Un temps pour écouter un des derniers quatuors de Mozart. Regarder, par exemple, ce regard triste et profond de Mozart enfant (7 ans) tel que Greuze le peignit à Paris, chez leur ami commun le baron Grimm, en 1763.

Oui, un temps pour relire Victor Hugo ou Baudelaire. Un temps pour réentendre la voix de l’art, dans un musée ou une exposition, un concert ou une promenade en forêt.

Un temps pour réapprendre à aimer.

Michel HUVET

jeudi 30 juin 2011

FRANÇOIS SAUVADET : MINISTRE, ENFIN !

François Sauvadet (photo Philippe Gillet)



Cette fois, ça y est, il est enfin ministre !

François Sauvadet aura mis dix-huit ans pour parvenir à ce sommet politique tant désiré par bien de ses collègues députés ou sénateurs. Mais ici, en Bourgogne, ça ne pouvait plus attendre : depuis le PS François Patriat (agriculture après PME chez Jospin), après Dominique Perben (justice chez Raffarin), on était en manque !

Le président du conseil général – je suis bien placé pour le savoir – a commencé sa carrière politique par le journalisme. En lui ouvrant les portes du Bien Public, je lui ai offert un marche-pied idéal : ce fils d’agriculteur, petit-fils d’une Polonaise qui fit son catéchisme à Cracovie avec un certain Karol Wojtyla, se distingua très vite en s’imposant dans la page agricole hebdomadaire du journal, et ayant ainsi assuré sa surface relationnelle rurale, en subtilisant à la titulaire la rubrique politique.

Les pions étaient en place. Dans son journal, il y avait déjà un député, le directeur (RPR). Il décida néanmoins d’être candidat en 1993 : il fut alors le gant dont Gilbert Matthieu (UDF), député-maire de Vitteaux, était la main. Un beau livre sur Raymond Janot, ancien directeur général de l’ORTF puis président du conseil régional de Bourgogne, lui ouvrit aussi les portes de la notoriété. Il fut élu député, maire et conseiller général de Vitteaux. La V° circonscription de Côte-d’Or ne serait pas au RPR qui la guignait pourtant tant.

Présidant le conseil général de Côte-d'Or (photo BP)


Après cela, ce fut un combat de couloirs et de relations. On ne voyait, dans l’hémicycle, que sa haute stature. On ne parlait, au conseil général, que du maire de Vitteaux. Et lui commençait, sous le second mandat de Chirac, à s’étonner de n’être encore point ministre … de l’Agriculture. Trois fois, il crut son heure ministérielle arrivée, surtout quand il souffla le froid et le chaud face à l’UMP, histoire de faire comprendre à Nicolas Sarkozy – à qui François Fillon avait dû parler de ce député côte-d’orien qu’il avait plusieurs fois soutenu à ses débuts – que le centre était une force incontournable.

Cette fois, donc, c’est fait. Brigitte et François ont dû vite faire leurs valises pour Paris et le ministère … de la Fonction publique, mais oui on prend ce qu’on peut et faute d’agriculteurs on peut se contenter de fonctionnaires. Cela me rappelle cette pièce de Georges Feydeau, dans laquelle un bourgeois ambitieux se voit proposer le ministère de la Marine et à qui son épouse, devant laquelle il se vante, répond du tac au tac : "Ministre de la Marine ? Tu ne sais même pas nager".

Mais c’était, il est vrai, à une autre époque…

Michel HUVET