mercredi 17 août 2011

BAVURE ANTI-LAÏQUE SUR EUROPE 1




Au milieu des embouteillages dûs au travaux de construction d’un tramway dans la ville harassée, la radio de bord, tout-à-coup, vers 13 h 15 en ce 16 août, me met hors de moi à l’occasion d’un pseudo-débat sur l’euthanasie. Entendant le président de Mourir dans la Dignité lui raconter qu’un député "qui défend la vie" lui aurait dit "Ta vie ne t’appartient pas", le journaliste (sans doute Luc Evrard) en remet une couche en s’écriant : "Et c’est un député d’un état laïque qui dit une chose pareille ?"

Trop, c’est trop. Car enfin quoi, qu’est-ce que la laïcité vient faire là-dedans ? Est-ce que la phrase incriminée est imprononçable dans une république laïque ? C’est quoi, ce cirque de l’hypocrisie bien-pensante ? Mon sang ne fait qu’un tour et je manque d’un rien d’accrocher un cycliste qui serpente entre les voitures serpentant elles-mêmes entre trois plots et quatre chicanes invraisemblables.

Oui, cette fois, ça suffit. Parce que les catholiques défendent la vie de la conception à la mort, il faudrait qu’ils soient bannis de la République, qu’ils portent une étoile jaune et qu’on construise des camps à leur intention ? Est-ce que ces messieurs prétendûment journalistes ont un jour appris à réfléchir ? Ces suivistes des gourous soi-disant affranchis ne seront-ils donc jamais sanctionnés pour leurs manquements à la plus élémentaire déontologie ?

La simple éthique sociale universelle, qui vient effectivement des notions de respect de la vie et de personne humaine amenées par le christianisme, dit bien que la laïcité est d’abord le respect de tous et la liberté de chacun. Que la tolérance est la vertu républicaine par excellence. Et puis, même sur le fond, pourquoi n’aurait-on pas le droit de penser que la vie est un don, qu’on l’a reçue et non voulue, et que nous n’en disposons pas comme d’un hochet, et que si nous le faisions, la boîte de Pandore serait grande ouverte sur l’horreur ?

La laïcité, pour moi, c’est aussi de pouvoir écrire ça.

Michel HUVET





samedi 13 août 2011

SAINT-HONORÉ-LES-BAINS NE DOIT PAS MOURIR

Connaissez-vous le lieu le plus hors du temps de toute la Bourgogne ? Au bas du Morvan, sous le mont Beuvray, entre les pins et les étangs, près d’une source vivifiante, dort Saint-Honoré-les-Bains.



Une station thermale comme on les aimait à la Belle Époque, avec de vieux palais hôteliers, un parc immense que les oiseaux habitent en chantant, un vieux court de tennis pour les belles descendues là en hispano-suiza, des thermes impressionnants avec leur décor en faïence verte et blanche, un petit paradis tout entouré de villas à balcons. On est là “sous la mer”, quelque part entre Atlantide et Nautilus, le temps n’existe plus, le présent seul reste immuable. 

Au-dessus, oui, une petite ville survit, avec sa mairie et son café du commerce, et son église tout là haut, au troisième niveau. L’an dernier, le Tour de France y est passé, et les commerçants ont eu le sentiment d’une résurrection, juste le temps d’un après-midi avec casquettes en papier et accordéon de circonstance. Et puis tout est rentré dans le silence. Saint-Ho se meurt doucement dans l’indifférence. Des lambeaux de ce qui fut, il y a encore peu, un vrai salon du livre, font encore parfois un petit signe dans la grisaille ambiante. L’hôtel du Parc, qui se rappelle qu’ici Louis Malle tourna Les Amants, n’est plus habité que par les chauve-souris qui pendent le jour aux poutrailles mal étayées et sous des plafonds qui, la nuit, laissent voir les étoiles.



Et pourtant, quelques-uns y croient. Un tel patrimoine attend ses sauveteurs. Déjà, des initiatives naissent ici ou là, une nouvelle directrice des thermes veut secouer la torpeur, ouvrir son établissement à tout le tourisme de bien-être, au-delà des soins traditionnels de maladies respiratoires ou rhumatologiques. Un projet culturel et touristique est prêt, quelque part, que sont prêts à soutenir des créateurs culinaires comme Guy Canot chez Lanoiselée, ou le très inventif Jean-Bernard Pilon au Bristol Thermal Hôtel, sans oublier le chef généreux du Centre, Marc Delamotte. Saint-Honoré ne veut pas mourir et ne mourra pas. Il faut que ses palais sous la mer soient revisités et que ses quarante-six maisons à vendre trouvent vite preneur.

Qui aime Saint-Honoré-les-Bains nous rejoigne. Vite.

Michel HUVET


mercredi 3 août 2011

LISZT EN PRIÈRE À L'ABBAYE DE LESSAY



L’abbaye de Lessay est située dans la Manche, dans cette lande si chère au coeur de Jules Barbey d’Aurevilly qui y a situé sa célèbre Ensorcelée. Là se tiennent chaque année en été l’un des plus beaux festivals, les "Heures Musicales de Lessay".

On s’y retrouva très nombreux le 26 juillet dernier pour entendre le choeur Arsys Bourgogne dirigé par Pierre Cao dans un programme lié à Liszt dont on célèbre le bicentenaire de la naissance. Liszt religieux, Liszt homme de foi en deux "itinéraires" qui nous ont emmené à la chapelle Sixtine à Rome puis le long de la via dolorosa à Jérusalem.

Le silence se fait, long temps d’attente. Puis la main de Pierre Cao se lève et un souffle musical lui répond, c’est le début pianissimo du Stabat Mater de Palestrina. On comprendra après l’entracte pourquoi Liszt l’apprécia avec tant d’émotion. Pour l’heure, voici son très méconnu Stabat Mater speciosa à lui, précédant le trop fameux Miserere d’Allegri (1) que les solistes féminines chantent depuis le fond de la nef de Lessay, en écho aux répons venus des voix restées dans le choeur de l’abbaye littéralement en prière.



Donc, après l’entracte où, dans les jardins, on a vu jouer le soleil avec la pierre ocre et les bosquets verts, voici le Via Crucis (chemin de croix) de Liszt. C’est Palestrina revisité. Des plaintes d’orgue – ici refletées par les jeux "de bambou" des anches de l’instrument normand joué par Mathias Lecomte – laissent filtrer par instants des solos aux accents déchirants des femmes entourant Marie. Une écriture musicale d’une époustouflante modernité, Liszt se délivrant de toutes les chaînes stylistiques de son temps.

Pierre Cao n’a pas voulu, après une telle oeuvre, donner le moindre bis. Les mélomanes se sont consolés dans les jardins de l’abbaye avec un cidre local permettant à chacun de se remettre de pareilles émotions.

Michel HUVET

(     (1) Le présentateur officiel du festival a parlé de la "légende" qui veut que Mozart enfant ait copié de mémoire ce Miserere réservé à l’époque à la seule chapelle Sixtine. J’y reviendrai bientôt ici pour démontrer qu’il ne s’agit pas du tout d’une légende.