samedi 17 novembre 2012

DERNIÈRES NOUVELLES DU TRAM




Evénement littéraire de cette fin d'année sur le territoire du Grand-Dijon, qui sait…et peu importe ! Dernières nouvelles du tram est un petit livre de nouvelles que j’ai rédigé pour célébrer l’arrivée du tram avec les habitants du Grand-Dijon. Pour cette raison le livre ne sera d’ailleurs dévoilé et diffusé au grand public que le 8 décembre, jour de l'inauguration de la ligne de tram T2.

Le projet Dernières nouvelles du tram, c’est aussi un parti pris social et culturel que j’ai voulu lier au développement et à l’actualité d’un territoire. Dans un désir de démocratisation culturelle et de partage avec le plus grand nombre, j’ai souhaité que la littérature s’invite dans le nouveau tramway. Ainsi, toutes les petites histoires du livre ont-elles été créées autour du tram, en même temps que se réalisaient les lignes T1 et T2. Dernières nouvelles du tram inaugure la nouvelle collection « Mobilités »  de C com’culture. Pour faire voyager les lecteurs et lire les voyageurs, le livre a été édité dans un format proche du poche. Il pourra se lire partout et surtout dans le nouveau tram, je l’espère !




Il a été conçu pour être populaire et largement diffusé auprès de tous les publics. Dans ce sens, le projet fait actuellement l'objet de développement de partenariats avec les communes, institutions et lieux publics situés sur le tracé du tramway. Ainsi des actions culturelles autour du livre, de la lecture publique et de l’événement sociologique du tram sont actuellement proposées au profit des différents publics et en particulier des publics empêchés.

J'en dirai plus sur le contenu de ce livre le moment venu. 

 Michel HUVET

Plus d'information sur le blog de C com' culture à droite dans les "liens amis"






dimanche 11 novembre 2012

L'ACTUALITÉ "CERTAINE" DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU



L’événement aura marqué tous ceux qui y ont assisté : trois cent soixante et un ans après que Rousseau eut reçu le prix de l’Académie de Dijon (à propos de l’amélioration des moeurs en fonction de l’essor des Lettres et des Arts), voici que deux savants d’aujourd’hui viennent à leur tour de recevoir le prix de l’Académie de Dijon pour leur ouvrage sur … Jean-Jacques Rousseau dont on fête en effet cette année le 300° anniversaire. 

Et le livre couronné – Penser la République, la guerre et la paix sur les traces de Jean-Jacques Rousseau (Éditions Slatkine, Genève) – est en lui-même un exemple : les deux auteurs, Gabriel Galice et Christophe Miqueu (le premier économiste au GIPRI de Genève, le second philosophe à Bordeaux IV) ont en effet voulu sortir de "l’entre-soi académique" et l’ont écrit pour les citoyens de tous pays soucieux du bien public, de res publica.

Le Génie de la Paix arrêtant les chevaux de Mars du dijonnais Bénigne Gagnereaux


Le maire de Dijon, François Rebsamen, a montré pour sa part, en félicitant les lauréats, l’actualité exceptionnelle de la pensée "républicaine" de Rousseau qui se montre le "moteur du progrès social". Les lauréats, dans leur livre, disent de même que les écrits de Jean-Jacques "donnent à penser la société contemporaine": "Ses incises d’une temporalité étrange, d’une actualité certaine, qui veulent éclairer sans dénaturer, répondent à (notre) ambition pédagogique et civique (…) Notre Rousseau est un homme à hauteur d’homme et de citoyen, pas un philosophe pur pour philosophes dialoguant entre eux aujourd’hui. Notre Rousseau est d’esprit, de chair et de sang".



Le livre couronné par l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon donne, en couverture, une reproduction du Génie de la paix arrêtant les chevaux de Mars, célèbre peinture due à Bénigne Gagnereaux. Et où naquit donc Bénigne Gagnereaux ? À Dijon.

Michel HUVET

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vendredi 12 octobre 2012

DÉBAT SUR LA FAMILLE : LA MODERNITÉ CHRÉTIENNE SELON MICHEL SERRES




À quoi bon, même si l’on est un peu philosophe, dire plus mal ce qu’un « maître » dit si bien ? On parle des débats actuels sur l’homoparentalité et la famille, le mariage homosexuel et autres adoptions. Comme La Croix est un excellent quotidien, sans doute le plus honnête qu’on trouve actuellement en France, je n’hésite pas à reprendre l’article que lui a écrit Michel Serres. Une petite merveille. Lisez plutôt.

Michel HUVET

« Ce que l’Église peut apporter au monde aujourd’hui, c’est le modèle de la Sainte Famille. Ce modèle se trouve dans l’Évangile de saint Luc. On y lit que le père n’est pas le père – puisqu’il est le père adoptif, il n’est pas le père naturel –, le fils n’est pas le fils – il n’est pas le fils naturel. Quant à la mère, forcément, on ne peut pas faire qu’elle ne soit pas la mère naturelle, mais on y ajoute quelque chose qui est décisif, c’est qu’elle est vierge. Par conséquent, la Sainte Famille est une famille qui rompt complètement avec toutes les généalogies antiques, en ce qu’elle est fondée sur l’adoption, c’est-à-dire sur le choix par amour.

« Ce modèle est extraordinairement moderne. Il invente de nouvelles structures élémentaires de la parenté, basées sur la parole du Christ : ''Aimez-vous les uns les autres''. Depuis lors, il est normal que dans la société civile et religieuse, je puisse appeler ''ma mère'' une religieuse qui a l’âge d’être ma fille. Ce modèle de l’adoption traverse l’Évangile. Sur la croix, Jésus n’a pas hésité à dire à Marie, en parlant de Jean : ''Mère, voici ton fils.'' Il a de nouveau fabriqué une famille qui n’était pas naturelle.

« Je n’ai pas la prétention de dicter quoi que ce soit de sa conduite à l’Église, mais puisque vous me demandez ce qu’elle peut apporter aujourd’hui, je crois que là se trouve une parole pour notre temps, où se posent tant de questions autour des modèles de la parenté, du mariage homosexuel, etc. Le modèle de la Sainte Famille permet de comprendre les évolutions modernes autour de la famille et de les bénir. Aujourd’hui, on dit souvent qu’un fossé se creuse entre l’Église et la société autour des questions familiales. Pour ma part, je constate que ce fossé est déjà comblé depuis deux millénaires. Je ne l’ai pas découvert, c’est déjà écrit dans l’Évangile de Luc. 

« Aujourd’hui, il s’agit de faire valoir cet « Aimez-vous les uns les autres » comme régulateur de ces nouvelles relations familiales. ''Adoption'', vient du latin optare , qui veut dire choix. La religion chrétienne est une religion de l’adoption. L’Évangile nous dit que l’on ne devient père ou mère que si on adopte nos enfants. On ne devient père ou mère, même si l’on est un père ou une mère naturel (le), que le jour où on dit à son fils : ''Je te choisis par amour''. Tel est le modèle de la Sainte Famille. La loi naturelle n’existe plus, c’est la loi d’amour qui compte en premier.

« Je crois que l’adoption est la ''bonne nouvelle'' de l’Évangile. Avant l’Évangile, il y avait la généalogie, les lois tribales, c’est-à-dire les lois par héritage. Aujourd’hui encore, ce qui rend impossible l’arrivée de la démocratie, ce sont des luttes entre familles, entre tribus, les clans, comme autrefois dans le MoyenOrient antique.

« La nouveauté extraordinaire du point de vue politique, anthropologique et moral du christianisme, c’est d’avoir supprimé cet héritage naturel et d’y avoir substitué l’adoption, le choix délibéré et libre par amour. »




dimanche 7 octobre 2012

LA RESCAPÉE DE DRANCY ET LA CRISE D'AUJOURD'HUI




Elle s’appelle Mme Francine Christophe. Elle fut déportée depuis Drancy. Rescapée, elle passe son temps de vieille dame dans les écoles à tenter de témoigner devant des enfants abasourdis. Elle vient d’écrire à Bruno Frappat qui, dans La Croix, a rapporté de larges extraits de sa lettre. Et cela bouleverse les lecteurs. 

La crise, – non pas la financière, mais l’autre, celle de la société tout entière, de sa jeunesse abandonnée et de ses valeurs piétinées –, Francine la rescapée en donne quelques exemples concrets. Lisons-là.

« J’ai souvent écrit à des journalistes, hélas, dans le vide. Hors du sérail, point de salut. Donc, hier, grande cérémonie à Drancy, pour l’inauguration du nouveau mémorial. Présence du président de la République. Normal. Discours du président de la République, normal.

« Nous étions là une poignée de survivants, peut-être vingt. Les ministres présents ont eu droit à quelques mots. Des adolescents aussi, puisque cette présidence est sous le signe de la jeunesse ; mais nous, les vieux enfants rescapés, rien ! Pas un regard, pas un sourire, pas une poignée de main. Au dépôt de gerbe devant le wagon, le président, encore des adolescents ; mais un survivant ? Non. Ce n’est pas grave, n’est-ce pas, puisque très bientôt nous aurons disparu, comme on dit gentiment…



« Autre sujet qui me met en colère. Les écoles, pour lesquelles on demande des moyens, encore des moyens. Mais personne n’ose prononcer le mot discipline. Pourquoi sommes-nous revenus, quelques enfants survivants (j’avais presque 12 ans), ceux qui n’ont pas été assassinés tout de suite ? Parce que nous avions été élevés avec rigueur et discipline. Cela nous avait rendus forts. Notre survie a été une forme de résistance.

« Je témoigne depuis 1995. Je vois entre trente et cinquante écoles par an. Avec une moyenne de deux cents enfants par témoignage. Je vois donc plus d’enfants, de professeurs, de proviseurs, que n’importe quel inspecteur. Trop de professeurs font ce métier sans vocation : ils me le disent. Trop de garçons issus de l’immigration n’acceptent pas d’être notés par des femmes. Trop d’enfants français « de souche » ont des parents qui ont peur d’eux et laissent tout passer et ne respectent pas le professeur… devant les enfants parfois. Trop de parents de l’immigration sont indifférents quand ils ne sont pas simplement opposés (et ne se déplacent pas si les professeurs le demandent). Trop de principaux ou de proviseurs sont des “Messieurs-Pas-de-Vague”.

« Nous, les rescapés, élevés dans une violence inqualifiable, retrouvant après-guerre un pays qui ne nous attendait plus et n’avait rien prévu pour nous, nous, les rescapés n’avons pas mal tourné. Lorsque je regarde mes camarades, je suis fière de nous. Cela, je le dis dans les écoles, et ça passe bien. Pardonnez-moi de vous ennuyer. »

Une fois encore, merci à Bruno Frappat ... et à Francine Christophe !

Michel HUVET






dimanche 2 septembre 2012

RETOUR DU TRAM À DIJON : LE TEMPS RETROUVÉ




Plus de 100 000 personnes dans les tramways dijonnais le jour de l’inauguration. Et des trams – j’y étais – encore bondés et pris d’assaut à 23 heures, une ambiance décontractée, le foulard cassis autour de chaque cou, on n’avait encore jamais vu cela dans la capitale des Ducs de Bourgogne.

A tout prendre, rien d’étonnant. En donnant deux conférences sur l’histoire du tram à Dijon devant le public de l’Opad, j’ai vite compris que la nostalgie de l’ancien tram hantait encore bon nombre de ceux qui étaient encore enfants quand circula une dernière fois le "1/6" le 1er décembre 1961, il y a donc juste un peu plus de cinquante ans.

La seconde raison, c’est le retour du rail dans la ville. Sans le PLM, sans le rail, Dijon ne serait sans doute jamais devenue la capitale qu’elle est aujourd’hui. Rappelons-nous que depuis que Napoléon III, en 1851, est venu banqueter au foyer du théâtre de Dijon après avoir inauguré la ligne PLM de Tonnerre à Dijon via le tunnel de Blaisy, la ville de 27 000 habitants est passée en quelques décennies, et grâce au rail, à plus de 80 000 au temps des grands-parents de Vincenot !

La troisième raison est liée à notre époque. Nous vivons dans un temps échevelé, un temps qui ne sait plus "prendre son temps". Le tram ramène soudain dans la ville, outre un calme bienfaisant, un temps plus apaisé. Il était flagrant de constater, dans les trams bondés du 1er septembre, la convivialité qui s’installait dans les allées, la mixité sociale qui s’y vivait, le sourire qu’on devinait sur beaucoup de visages.

On s’habituera, bien évidemment, à ce tram qui se "hâte avec lenteur", aux facilités qu’il offre à tous (un quart d’heure de la gare au CHU !), aux cadences et aux tarifs. Mais ce retour du rail de ville à Dijon aura marqué cette fin d’été 2013. Et le maire François Rebsamen aura définitivement compris que le mandat de premier magistrat d’une ville comme Dijon vaut tous les autres mandats politiques !

Michel HUVET



lundi 6 août 2012

LE MOULIN DE MARIE RAVENEL




Elle n’était qu’une simple meunière, là-haut, en Cotentin, un petit moulin qu’éclairaient peut-être parfois, en clignotant, les lueurs du haut phare de Gatteville. Marie Ravenel, toute jeune encore, les mains encore blanches des farines accumulées sous sa meule, la grosse roue pleurant ses gerbes d’eau à peine arrêtée, prenait un papier et un crayon et écrivait des vers.

On était au XIX° siècle, et Saint-Père Eglise un tout petit chef-lieu de canton de la Manche. Et Marie écrivait :

Hélas ! ainsi tout pleure dans la vie ;
Ainsi toujours, par un sentier de maux,
Pauvre ruisseau ! la nature flétrie
Court au néant plus vite que les flots !

Le moulin de Marie est aujourd’hui restauré, ouvert aux visites, et son guide enthousiaste s’est mis lui aussi à faire tourner son moulin et produire à l’ancienne une farine délicate. Sous le toît de chaume, une salle de classe qui eut pu être celle des enfants de Marie Ravenel, fascine les enfants d’aujourd’hui par les souvenirs de pleins et de déliés, d’encriers évasés et de cartes de géographie jaunies.



Et la poésie de Marie ? Elle survit, grâce à la réédition de ses oeuvres complètes, Poésies et Mémoires, parue en 1890 à Cherbourg. On y apprend que Lamartine, le poète bourguignon, reconnut en Marie Ravenel un pair en art poétique, sacré compliment pour la toujours jeune meunière. Elle fut si touchée par l’accueil de l’auteur du Lac qu’elle écrivit un poème en son hommage au début de son livre :

Dans la nuit de l’oubli, comme elle, solitaire,
Ma Muse, avec l’honneur d’un éloge, naguère,
Reçut du grand poète un regard bienveillant.
Mon coeur de ce beau jour conserve la mémoire.
Ce magique regard m’a fait rêver la gloire,
M’a fait oublier mon néant.


Il y a quelque chose d’émouvant à réentendre ainsi, en ces temps de médiatisation ridicule et de crise identitaire, battre des coeurs avec de telles rimes.

Michel HUVET




lundi 18 juin 2012

DIJON APRÈS LES ÉLECTIONS : SI REBSAMEN EST MINISTRE...


François Rebsamen, au centre, et Laurent Grandguillaume, à sa gauche (Photo Johann Michalczak)



La carte électorale de la Côte-d’Or (et de la Bourgogne) vient de voir basculer la région d’une époque dans une autre.

Les mandarins et leurs héritiers commencent à disparaître du paysage. Sauf dans l’Yonne où Jean-Pierre Soisson pèse encore d’un poids important dans sa circonsription auxerroise : son successeur désigné a été élu. Mais partout ailleurs, c’est la fin. Fin pour Jean-Marc Nesme du côté de Paray-le-Monial en Saône-et-Loire. Fin pour Bernard Depierre du côté de Dijon, en Côte-d’Or.

Bernard Depierre, c’était l’héritier de Robert Poujade. Héritier de circonstance, souvenons-nous, puisque le suppléant du maire de Dijon en 1997 c’était le maire de Talant, Baptiste Carminati, qu’une sordide histoire de dénonciation d’intérêts privés mis à l’ombre au mauvais moment. Robert Poujade, alors, se tourna vers son adjoint aux sports, le dit Bernard Depierre, pour conserver son siège de député.

En Saône-et-Loire,  ce sont les héritages de Pierre Joxe (Bresse louhannaise) ou de Dominique Perben (Chalon-sur-Saône) qui s’éffritent. Comme quoi, tout passe, même en politique, et comme je le rappelais en février à propos des présidentielles, la roche tarpéïenne est proche du Capitole.

Le Capitole, désormais, est à gauche. Et même si les médias de Côte-d’Or font valoir que le département a conservé quelques baronnies de droite (Alain Suguenot à Beaune, François Sauvadet dans la haute Côte-d’Or), on sent bien que l’heure est au triomphe des vainqueurs de 2001, François Rebsamen en tête.

C’est ainsi qu’on doit interpréter l’étonnante victoire de Laurent Grandguillaume (PS) dans la circonsription la plus à droite des bords de Dijon. Elle avait été taillée exprès pour Robert Poujade par Charles Pasqua avant les élections de 1986 pour que les deux ténors de Côte-d’Or, Robert Poujade et Roland Carraz, aient chacun la possibilité de siéger au Palais-Bourbon.

La victoire du dauphin de François Rebsamen en dit long sur le travail de sape accompli par les réseaux du maire de la capitale dans les quartiers huppés de sa ville comme dans celle de la voisine Talant, bastion qu’on croit de droite dure quand on oublie qu’elle fut à gauche longtemps, lors des débuts du quartier du Belvédère.

Enfin, cette fois les choses sont claires : le maire de Dijon peut être ministre, on sait qui lui succédera s’il abandonne son mandat…

Michel HUVET

dimanche 13 mai 2012

LEGISLATIVES EN CÔTE-D'OR : ÉVITER LE "BAISER QUI TUE"


Prise de fonction du président François Hollande. Et partout en France, on a déjà la tête ailleurs, c’est-à-dire dans les étoiles qui brillent dans les yeux des candidats aux élections législatives. Quid donc en Côte-d’Or dont un journal local disait il y a peu qu’elle n’était pas comme la France puisqu’elle avait voté Sarkozy avec 8 600 voix de plus, soit un écart beaucoup plus serré qu’en 2007 ? Quid aussi de Dijon, qui a été logique en votant majoritairement pour Hollande ?

On peut d’abord remarquer que cette victoire côte-d’orienne du président sortant est essentiellement due … au FN. Car c’est là où Marine Le Pen avait fait ses plus gros scores que ceux de Sarkozy ont le plus gonflé par rapport au premier tour : le monde rural est en voie de s’offrir de sacrées triangulaires aux législatives. Mais sans doute moins que le premier tour avait pu le laisser penser vu le contexte plus local des législatives.

En effet, là où il ne peut pas gagner, le FN refera le coup du "baiser qui tue" comme aimait à la dire le stratège FN des années 90, Pierre Jaboulet-Vercherre. Au premier tour, par exemple, ne pas présenter de candidat là où un candidat UMP bien de droite a une chance (3e circonsription ?). Et au second tour, si le FN n’est pas parvenu à une triangulaire, laisser carte blanche aux électeurs … qui comprendront bien qu’il faut éliminer l’UMP (IV° circonscription, celle de Sauvadet ?).

Alors ?

Première circonscription 

Laurent Grandguillaume (PS)
Sans doute pas de FN mais un duel homérique entre le sortant UMP Bernard Depierre et le postulant soutenu par le maire PS de Dijon, Laurent Grandguillaume. Ce dernier aura d’autant plus de chances de l’emporter qu’outre la spirale gagnante de la présidentielle, il bénéficiera des voix des candidats verts et mélanchonistes qui se sont portés candidats eux aussi pour ratisser vraiment très large.

Seconde circonscription 

Pierre Pribetich (PS)
Remi Delatte, le sortant UMP, a d’autant plus de souci à se faire que le FN aura ici un candidat et que la triangulaire prévisible du second tour favorisera Pierre Pribetich qui bénéficiera, comme Grandguillaume dans la première, de l’addition d’une large partie de toutes les voix de gauche (Mélanchon a fait ici, à la présidentielle, près de 10 %).

Troisième circonscription 

Kheira Bouziane (PS)

C’est la plus recherchée. Claude Darciaux occupait un poste très convoité, celui qui fut celui de Roland Carraz et de … Lucien Brenot !  Les scores du FN à la présidentielle ont été impressionnants dans certains secteurs ruraux. Ceux de la gauche aussi, omnipotente à Longvic, Chenôve, Quétigny et même Chevigny qui a basculé deux fois. Le retrait de Sofia Okotoré – long à obtenir et qui laisse un peu d’amertume chez l’ex-candidate comme chez certains de ses amis – laisse la voie libre à Kheira Bouziane (PS) qui l’emportera vue la division à droite et quelle que soit l’aura de Pascale Caravel.


Quatrième circonscription 

François Sauvadet (UMP)

Le combat sera rude pour Patrick Molinoz (MRG investi PS), le conseiller général et maire de Vénarey-Les Laumes, car il trouvera en face de lui l’ex-ministre François Sauvadet et un candidat FN qui voudra prendre sa part du gâteau. Mais le président du conseil général a de la marge, et même une belle marge.

Cinquième circonscription 

Alain Suguenot (UMP)

Daniel Cadoux (PS)
Le FN veut à tout prix faire craquer ici le député-maire de Beaune (UMP) Alain Suguenot qui est maître chez lui depuis bien des lustres et surtout depuis que François Patriat ne vient plus lui disputer le fauteuil du Palais-Bourbon. On peut s’attendre à une triangulaire, encore que la candidature de l’ancien préfet Daniel Cadoux (PS) puisse faire espérer à la gauche une revanche depuis si longtemps attendue.

Michel HUVET





mardi 8 mai 2012

MAURICE VOUTEY EST MORT, SON COMBAT RESTE VIVANT




Pour lui, Maurice Voutey, le 8 Mai est une date floue, un anniversaire qui jamais ne l’a concerné. Ce 8 Mai 1945-là, en effet, il était à Dachau, occupé à survivre au milieu du typhus et de la faim, l’oeil fixé sur un kapo mal embouché. Et ce 8 mai 2012, il l’a raté de quelques jours, la mort l’ayant rejoint le 2 mai, tirant ainsi le rideau qu’elle avait laissé ouvert pour lui durant 67 ans.

Maurice Voutey, l’enfant du quartier dijonnais de la "commune libre Berbisey", était étudiant à l’École normale de la rue Charles-Dumont quand, en 1942, les occupants nazis fusillèrent pour l’exemple quatre de ses camarades. C’en fut trop. Le jeune Maurice entra illico dans la Résistance. Dénoncé, il fut arrêté, emprisonné puis transféré à Drancy où, dans des wagons à bestiaux, un train d’enfer l’emmena à Dachau et dans les camps du Neckar.

Comment fit-il pour y survivre et en revenir ? Il l’ignora toujours, mit ça sur le compte de chaussures à sa taille, sur une santé sans doute plus robuste que celle de bon nombre de ses compagnons en pyjama rayé. Mais il n’oublia jamais son retour à Dijon, dans son école : on ne l’attendait plus, on n’avait pour les déportés qu’un regard de commisération lointaine, un déporté comme lui faisait un peu peur aux planqués de la collaboration.

Maurice Voutey devint historien, professeur. Compagnon de route des affidés de Thorez, militant de toujours et pour toujours, il accompagna les aventures politiques de ses amis pour que jamais on oublie l’horreur concentrationnaire et comment l’humanité avait pu en arriver là. Il publia des ouvrages sur cet univers – on l’a lu jusqu’au Japon – et comme il avait une sacrée plume, il publia aussi des récits de son aventure, des mémoires inavouables en forme de roman – ainsi apprit-on que dans les années 90 il croisait encore, rue de la Liberté, celui qui l’avait dénoncé en 1944 – et raconta son quartier Berbisey dans un livre superbe et sans équivalent.

Maurice Voutey fut aussi, toute sa vie de survivant, un de ces combattants de l’ombre qui jamais ne baissent les bras. Il était encore, ces derniers mois, président national délégué de la FNDIRP (Fédération nationale des Déportés, Internés, Résistants et Patriotes) au sein de laquelle il côtoyait les "héros" grâce à qui la France un jour se libéra du joug nazi. Je n’oublierai pas avoir pu connaître, grâce à lui, des personnages comme Maurice Kriegel-Valrimont, Pierre Meunier, Lucie et Raymond Aubrac, et même le "libérateur" de Paris, le colonel Rol-Tanguy. C’était à Champigny-sur-Marne, pour les 50 ans de la Libération. Rol-Tanguy, toujours géant malgré ses 90 ans, me serra la main et me dit, au garde-à-vous : "S’il faut recommencer demain, je suis prêt"!

Et puis Maurice Voutey, c’était aussi l’amitié toujours offerte, sans discrimination, c’était la chaleur d’une âme aussi humble que rare, la classe d’un homme qui jamais ne baisserait les bras et qui, chaque jour, militait pour l’honneur contre la déréliction. Il avait cosigné l'appel du 8 mars 2004 intitulé Créer c'est résister. Résister c'est créer avec d'anciens grands résistants comme Lise London, Raymond Aubrac, Stéphane Hessel, Daniel Cordier, Germaine Tillion ou Maurice Kriegel-Valrimont. Dans ce document, les signataires appelaient "les jeunes générations à faire vivre et transmettre l'héritage" du Conseil national de la Résistance (CNR) et "ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle".

Il est mort dans la plus grande discrétion. Et nous avons perdu ce qui devient de plus en plus rare en ces temps, "une conscience", comme l’a écrit France-Soir.


Michel HUVET


jeudi 26 avril 2012

DIJON VOIT RÉAPPARAÎTRE SON TRAM


Place de la République, 26 avril, 16 h 30



Emotion très grande ce jeudi 26 avril dans les rues de Dijon. Le tramway nommé désir a circulé dans les rues et traversé les places. À toute petite vitesse. Au pas des hommes en surplis jaune ou violet qui lui faisaient escorte. Avec sa clochette grave au bout de son long nez qui faisait se retourner, puis s’arrêter les passants.

Etrange émotion au long du boulevard Clémenceau. Le convoi tout neuf, violacé sous le ciel gris, créait soudain dans la ville une atmosphère de paix. On eut dit l’image arrêtée d’un film. Le monsieur au cabas rouge et au pantalon jaune avait la bouche ouverte. Devant le palais de justice, un avocat en train d’ôter sa robe noire, restait coi, un bras en l’air. Une jeune femme, excitée comme une fan devant son idole, demandait à un policier municipal de la prendre en photo devant le convoi solennel. Un silence étonnant à cette heure de l’après-midi. Avec pour seule musique celle du chintement doux du tram.

Le tram glisse devant le plais des congrès et s'engouffre sous le "pont" de l'Auditorium


Après ces années de grande douleur pour la ville et ses habitants, l’heure était donc venue de voir le rêve laisser place à la réalité. Et dans ce silence, et dans cette vie soudainement ralentie, et dans cette façon soudain calme qu’ont montré les passants en se parlant, en commentant, en réapprenant à discuter, en souriant même, on se disait que la vie reprenait du goût, que le Dijon de 2012 tendait la main au Dijon de 1961.

Un vieux monsieur essuyait une larme au coin de la rue Jean-Jacques-Rousseau, sans doute saisi par la rétractation du temps, ce tram élégant et luxueux lui rappelant sans doute le tramway brinquebalant qu’avait connu à ce même endroit le jeune homme qu’il fut. Et près de lui, un jeune d'aujourd'hui tout excité, et qui courait presque en marchant, racontait en verlan à un ami qu’il avait au bout de son téléphone portable que c’était drôle tu sais de les voir, les keufs, escorter le tram, si, si, jet’le dis, le tram tout violet qui roulait à même pas un à l’heure, j’te dis.

Une belle ouverture en attendant le lever de rideau de septembre. Dijon retient son souffle. Dijon attend enfin de revivre.

Michel HUVET




samedi 14 avril 2012

50 000 € POUR UN FAUX PLEURANT BOURGUIGNON




En ces temps de politique spectacle sur fonds de difficultés financières pour les simples gens, il est parfois bon de (re)vivre en s’intéressant à l’art en général et à l’histoire en particulier. Voyez Dijon, cette ville aujourd’hui pleine de cicatrices et de saignées, mais qui n’en reste pas moins l’une des plus belles villes de France.

Son musée est en travaux, lui aussi, surtout l’aile dite « de Bellegarde », surtout la salle des tombeaux et ses annexes. On trouve donc les pleurants du gisant de Marguerite de Bavière, échappés du tombeau, dans une des salles du musée, sous verre. De quoi pouvoir enfin les admirer à hauteur d’homme, de se pencher un peu pour voir sous leur capuchon, de contempler leur posture, leurs mains, leurs accessoires. Ou les regarder en écoutant – ainsi que le musée l’a offert récemment – les vers qu’ils ont inspiré à Michel Lagrange.



Les autres pleurants se promènent depuis plus de deux ans aux USA. Ils font le bonheur des amateurs des grandes villes et l’on estime déjà leur nombre à deux millions. La statuaire médiévale bourguignonne fait donc plus pour la France que la plupart des échanges commerciaux, universitaires ou sportifs. Le pleurant des Ducs est la star des States. Et leur succès s’accompagne aussi de tristes affaires, dont celle que vient de révéler Libération.



On y a lu ceci : « De père en fils, c’est le plaisir de livrer quelques souvenirs qui a dû dicter, selon ses propres mots, à Marc Perpitch de mettre en vente, via Artcurial, quelques lots de l’héritage de son père, antiquaire renommé du boulevard Saint Germain. Dont une sculpture qui lui vaut de se retrouver au tribunal de Paris. Ce marbre reproduit, dans les mêmes dimensions, un des pleurants sculptés au XVe siècle pour entourer le tombeau du duc de Bourgogne Jean-sans-Peur. Considérés comme des chefs-d’œuvre du gothique, ils ont fait l’objet il y a deux ans d’une exposition à New York, au Metropolitan. Cette copie a été vendue en 2009 pour 50 000 euros à un banquier collectionneur, mécène du musée de Cluny, Christian Giacomotto. »



Le tribunal a trouvé une experte pour le guider dans sa réflexion et analyser la copie de pleurant : Sophie Jugie, directrice du musée des beaux-arts de Dijon. Son verdict est clair : cette statuette date en fait du XIX° siècle.

Gare aux faussaires. Que ceux qui ont profité du succès des vrais pleurants n’en vendent pas de faux à 50 000 €, ah ! mais…

Michel HUVET



mardi 3 avril 2012

CONSEIL GÉNÉRAL CÔTE-D'OR : MALAISE ENTRE LA COMM ET LES MÉDIAS


Vote au conseil général de Côte-d'Or (Photo Philippe Gillet)



Notre confrère DijOnscOpe a bien des ennuis avec le conseil général, ou plus exactement avec le service de communication du-dit conseil. En fait, le chargé des relations avec la presse, qui vient d’arriver dans les lieux pour un court laps de temps – sans doute jusqu’aux législatives – veut poéter plus haut que son luth : il vocifère, parle à la première personne, exclut les journalistes des sessions au gré de son humeur, parle du conseil général à la première personne du singulier, bref voici revenu le temps du Grand Inquisiteur.

La première question qu’on se pose à propos de cette censure qui ne se cache même plus est celle-ci : agit-il sur ordre du président ? On pourrait le penser, étant entendu que ce communicant fait partie, depuis son arrivée dans les lieux, du cabinet du président-ministre. Et si cela est, pourquoi le président en question ne réagit-il pas publiquement  ?



Il est inimaginable, en effet, que les réponses surréalistes du chargé de comm à la patronne de DijOnscOpe, Sabine Torrès, restent lettres mortes et ne soient pas invalidées par l’exécutif d’une assemblée démocratique. Laisser planer le doute reviendrait à cautionner des assertions révoltantes du type de celle-ci : "Je suis en contact dans le 21 avec un certain nombre de médias qui relaient nos informations et d’autres qui ne la relaient pas. Je n’envoie pas d’infos à certains car les retours ne sont pas suffisants, ne correspondent pas à ce que j’attends. Vous êtes un vecteur qui, en l’état, ne m’intéresse pas".

J’ai souvent dit, ici ou là, qu’un climat malsain s’était installé dans les sphères dijonno-dijonnaises de la politique et des médias. On s’est mis en tête, à la mairie (de gauche) comme au conseil général (de droite), de flinguer tous ceux qui penseraient "mal", c’est-à-dire tous ceux qui attenteraient de près ou de loin au culte du Führer, – pardon, du chef –. Ici on le fait subtilement en éloignant les journalistes des réseaux influents. Là, semble-t-il, on le fait sans masque et on dégoupille sans se cacher.

Ma petite expérience des milieux politiques me permet de dire, quand même, que de tels agissements sont monnaie courante depuis bien des lustres, même s’ils s’effectuaient jadis sous des formes polies, peu voyantes, et en tout cas respectueuses de la liberté des uns et des autres. Une belle occasion pour moi de rendre hommage à Louis de Broissia, qui connut (peu de temps) les douleurs d’une double appartenance : directeur de journal et président du conseil général.

Il m’avait confié le service politique et j’avais exigé liberté de manoeuvre et promis honnêteté intellectuelle. Il me laissa toujours la bride sur le cou, n’intervint qu’une fois par un simple communiqué, et s’il finit par quitter la direction du quotidien – un élu comme Roland Carraz ne le ménageait guère –, c’est par respect républicain de la séparation des pouvoirs.

Ce qui se passe aujourd’hui, me semble-t-il, c’est que nous sommes face à une sensible dégradation de la qualité humaine de certains communicants qui ont à faire face à une confusion médiatique entre communication et information que certains journalistes ont parfois eux-mêmes entretenue.

Michel HUVET

lundi 19 mars 2012

DIJON : MORT D'UN JEUNE COMÉDIEN POLONAIS


Photo PB

 La façon dont un quotidien dijonnais a récemment rendu compte d’un effroyable fait divers en dit long sur la manière dont s’exerce aujourd’hui le journalisme. Et sur la manière dont on mesure la valeur d’un homme selon, comme disait La Fontaine, qu’il est puissant ou misérable.

Je lis donc l’article. J’apprends, en me reprenant à deux fois face à des phrases peu claires, qu’un jeune comédien polonais d’une troupe venue participer au festival Italiart, est mort en recevant sur la tête, vers minuit trente, devant le théâtre où il devait se produire, un "pilier" de 450 kg qui serait tombé sur lui après qu’il se soit appuyé sur une "chaîne" qui y correspondrait.

Rien compris, se dit le lecteur. C’est quoi, ce pilier ? Et c’est quoi cette chaîne ? C’est quel théâtre ? Et comment peut-on mourir aujourd’hui dans de telles circonstances ? Et qui est responsable ? Aucune explication du pseudo-journaliste qui enchaîne en expliquant benoîtement que le jeune polonais devait tenir le rôle principal d’un spectacle "qui se jouait avec des marionnettistes" et que, donc, ipso facto, ce spectacle ne pourrait avoir lieu puisque l’acteur était mort, vous comprenez ?

Là-dessus, quelques considérations sur le spectacle avec des propos du directeur de la salle ("c’est triste mais le spectacle continue") – et comme je le connais bien, je sais qu’il n’a pu dire cela qu’après avoir longuement évoqué la consternation qui avait dû entourer toute son équipe – et voilà l’affaire bouclée en dernière minute. Est-ce normal de mourir ainsi ? Y a-t-il une enquête de police ? Le lecteur ne le saura jamais.

Outre ce travail bâclé, qu’aucun rédacteur en chef digne de ce nom n’eut dû laisser passer en l’état, on cache l’article dans un coin de page, en minimum visible, et le tour aurait été joué si le lendemain, dans le journal, on était revenu sur le drame. Que nenni. Juste une dizaine de lignes sur le Net, cachées au fin fond de l’arborescence "faits-divers", qui en disent encore moins.

Le pire, c’est que le quotidien n’est pas seul à en faire le moins possible sur cette affaire. Rien ou à peine plus que rien sur les médias numériques, à la télévision ou à la radio, un banal fait divers, on vous dit. On a mieux à dire, de plus people, de plus croustillant, de plus vendeur. Mais la vie d’un homme, d’un jeune homme, d’un jeune comédien, et le chagrin de sa famille polonaise, ça n’a aucune importance.

Et, d’abord, le lecteur en sait assez, non ?

Michel HUVET


lundi 12 mars 2012

NICOLAS SARKOZY : LA PENTE FATALE ?

Nicolas Sarkozy au palais de justice de Dijon (photo Jonas Jacquel – DijOnscOpe)



Donc nous voici à quelque cinquante jours du passage dans l’isoloir, ce moment où, le rideau étant refermé, face à une planchette grise où il n’y a même pas la place de disposer les bulletins du choix, il nous faut décider "en notre âme et conscience".

La difficulté, cette année plus encore que jadis, c’est que tout homme d’État a perdu toute aura. Que les dieux de l’Olympe sont redevenus des simples hommes, faibles, âpres au gain et sans mémoire. Des hommes banaux qu’Internet donne l’illusion de pouvoir traiter comme un conducteur excédé traite un chauffard sur la route. De simples hommes avec leurs nombreux vices et leurs petites vertus.

La seconde difficulté c’est sans doute dans l’uniformisation des pensées politiques. Gauche, droite, bonnet blanc et blanc bonnet, comme disait Marchais hier et comme dit Marine aujourd’hui. Le rideau de fer est définitivement relevé. Et comme nous vivons au temps décadent du "people" à tout crin – les épouses des candidats deviennent des arguments électoraux –, on remplace les idéologies défuntes par les communautarismes résurgents.

Et puis, grande première en France, le "sortant" est déjà sorti. Il s’est enfermé dans une spirale de l’échec et tout ce qu’il fait, tout ce qu’il dit, lui revient en négatif. En fait, il ne sait plus quoi dire, alors il gaffe. Il tente de trouver des mesures contre les riches après les avoir servi. Il annonce qu’il va imposer la rénovation de Schengen alors que le chantier est lancé à Bruxelles depuis belle lurette. Il essaie de ressortir la peur de l’autre comme il y a cinq ans, mais c’est trop tard, et une autre est déjà passée par là.

Ainsi les hommes politiques connaissent-ils tous un jour, près du Capitole, la proximité de la roche tarpéïenne. Je crains fort pour Nicolas Sarkozy que la pente sur laquelle il glisse soit trop savonnée pour qu’il puisse la remonter. Déjà se profilent derrière lui les ombres de ceux qui le lâchent ou s’apprêtent à le faire. C’est certes cruel à vivre mais c’est inéluctable. Menace de dernier recours : "J’arrête la politique", dit-il. Quitte ou double. Pile ou face. Ca passe ou ça casse. Le problème c’est que ceux qui font de la  politique un métier l’ont fait parce qu’ils l’ont bien voulu, pas parce qu’on le leur a demandé !

Tel est le contexte à moins 50 jours. Et même si le paysage politique change d’ici là sous la pression de la rue, des banques ou de la "crise", il n’empêche que ce serait, le 6 juin au soir et dans ce climat désenchanté, une bonne occasion pour la France de copier nos amis allemands – qui l’ont fait si souvent – en mettant en place une "grosse Koalition", un gouvernement d’union nationale.

Après tout, il serait bien temps, une fois la situation assainie, de revenir à nos divisions légendaires, montagnardes ou girondines, bonapartistes ou légitimistes.

Michel HUVET


mardi 28 février 2012

PAS DE PURGATOIRE POUR HENRI VINCENOT



Quand il est mort en 1985, Henri Vincenot a été rangé au rang des écrivains régionalistes avec tout ce que cela sous-entend, à Paris, de mépris et de condescendance. Aujourd’hui où l’on fête son centenaire, quel bonheur de constater qu’il n’en a rien été et que, si l’oeuvre de Vincenot s’appuie sur un fond de traditions celto-bourguignonnes, elle s’élève à des hauteurs universellement symboliques avec des intuitions prophétiques (Le Sang de l’Atlas, Les Étoiles de Compostelle) que les grands intellectuels étaient incapables de percevoir.



Le très beau numéro spécial de Bourgogne Magazine qui vient de paraître consacre à ce centenaire l’essentiel de ses pages : on y retrouve beaucoup le Vincenot qu’on a connu, on découvre l’auteur mais aussi le peintre et le sculpteur et on est abasourdi de constater le génie de cet enfant du rail qui fut aussi – et c’était son paradoxe – un enfant des champs et de la forêt. Vincenot n’a pas pris une ride. Il n’aura même pas connu le purgatoire tant redouté de leur vivant par des écrivains en mal de postérité. J’ai personnellement vu, l’autre jour dans une brasserie du centre de Dijon, une très jeune fille qui lisait Le Pape des Escargots en édition de poche tout en sirotant une menthe à l’eau.

Le village celte découvert dans la combe talantaise (Inrap)


Je me rappelle cette querelle qui opposait jadis Vincenot et Lucien Hérard à propos de l’étymologie du mot “gaudes”, ces excellents beignets que l’on confectionne encore pour la Chandeleur et autres Mardi-Gras. Hérard affirmait l’origine latine du mot (de gaudere, se réjouir) alors que Vincenot affirmait une origine purement celtique. Cette année 2012 pourrait bien lui donner de nouveau raison : ne vient-on pas de découvrir, aux portes de Talant, dans la combe que Vincenot voyait depuis sa fenêtre au temps des "Buissonnets", un village celte d’une petite douzaine de maisons et daté par les archéologues de 500 avant Jésus-Christ ?

Michel HUVET


vendredi 24 février 2012

LA MAÎTRISE DE DIJON : DE SAINT-PIERRE À SAINT BÉNIGNE

Cathédrale Saint-Bénigne, Dijon, 18 février 2012 (photo M.-D. Trapet)


Coup sur coup, la Maîtrise de la cathédrale de Dijon vient de s’illustrer en saluant, comme on ne le vit jamais dans une cathédrale, le départ de celui qui la hissa au sommet en vingt ans de travail (Alain Chobert), et en assurant avec son nouveau chef (Etienne Meyer) une soirée spirituelle et historique qui a stupéfié la foule qui la suivit à la lumière des mille cinq cents chandelles qui, seules, éclairaient le lieu.

S’il s’agissait de commémorer la naissance officielle du culte de l’évangélisateur de la Bourgogne (saint Bénigne) en 512, il s‘agissait aussi de rendre compte du plain-chant et de la musique grégorienne dans leur historique parcours dans l’histoire spirituelle des grandes cathédrales du saint-empire en particulier et de l’Occident en général. A cet égard, on réentendit cette belle image venue sous la plume de Joseph Samson, à savoir

Que la musique des psaumes
Que la psalmodie
A poussé spontanément
Comme une mousse
Sur les mots encore humides
De la Révélation

Les maîtrisiens de Dijon au Vatican le 15 février 2012 (Photo KTO)


Juste avant cette inoubliable soirée, quelques-uns de ces jeunes maîtrisiens, sous la houlette de leur professeur de musique, ont chanté au Vatican devant Benoît XVI lors de l’audience générale dans la “Aula Paul-VI” : au milieu d’une foule de 10 000 personnes, cette courte salutation polyphonique a semblé toucher la pape musicien dont le frère Georg fut si longtemps, à Ratisbonne, le “Joseph Samson” du Danube !

Michel HUVET

mardi 7 février 2012

MERKEL/SARKOZY : LA MASCARADE




Franchement, oui, il faut arrêter la campagne pour l’élection présidentielle. Car on a quitté les rives de toute démocratie et l’apparition à la télévision, du président français et de la chancelière allemande a signé le comble du vide politique qui caractérise le pays des droits de l’homme !

Car enfin, a-t-on jamais entendu pareille tromperie sur la marchandise ? Des phrases sans aucun sens, des banalités générales – et même le rappel des millions de morts qu’on coûté les affrontements de 1870, 1914/18 et 1939/45 entre les deux pays –, avec un mot, un seul mot qui servait de bannière : Die Kriese / La Crise.



Cette affligeante mascarade a fait mesurer à ceux qui ont un peu de mémoire la distance épouvantable séparant désormais Adenauer de Merkel et De Gaulle de Sarkozy. Et même, on peut se rappeler des "sommets" de la fin du siècle dernier, ceux qui se sont tenus à Beaune (Mitterrand, Balladur, Kohl) et à Dijon (Chirac/Kohl) et qui ont accouché, sinon de décisions capitales, du moins d’une franche amitié et d’un très concret engagement européen.

On appelait ça le "moteur" de l’Europe. Mitterrand sirotait une bière avec l’ami Helmut à la Concorde beaunoise, Chirac et Kohl dînaient en riant chez Jean-Pierre Billoux à Dijon : ce qui se disait et se signait n’avait en ligne de mire rien d’un soutien réciproque pour de futures élections à Berlin ou à Paris. Pareil quand Schmidt battait Giscard aux échecs : nul ne songeait alors à brandir ici la politique familiale et là la réussite des exportations pour assurer la réelection éventuelle de l’un ou de l’autre.

Ce triste épisode télévisuel a dû faire mal à tous ceux qui ont, de la réconciliation puis de l’amitié franco-allemande, une autre idée. On pense en particulier aux responsables de toutes les associations de jumelage entre la Rhénanie-Palatinat et la Bourgogne qui voient se réduire leurs efforts cinquantenaires à cette mascarade électorale de très bas étage.

Dommage pour l’Histoire. Dommage pour la France de Victor Hugo. Dommage pour l’Allemagne de Goethe.

Michel HUVET


jeudi 12 janvier 2012

ROBERT POUJADE : LE TEMPS DE LA MÉMOIRE



Je referme le livre de mémoire de Robert Poujade avec un brin de nostalgie. Avec de Gaulle et Pompidou s’achève en effet sur un Journal du crépuscule : "Oui, bien sûr, la France continuera"…

Ce livre tant attendu de celui qui fut maire de Dijon durant trente ans parle assez peu de Dijon. Il est le récit-témoignage des années qui virent le gaulliste normalien occuper des postes-clés dans l’appareil politique et d’État, disons entre 1958 et 1981, du retour du Général au pouvoir à la victoire de François Mitterrand.

30 mai 68 : entre Malraux et Debré


Robert Poujade était gaulliste dans l’âme. Il avait lui aussi une certaine idée de la France : responsable des étudiants gaullistes au temps de la rue d’Ulm, devenu le patron de l’UD V° puis de l’UDR entre 1967 et 1970 – trois années capitales –, ami de Chaban-Delmas et de Pompidou et donc écartelé au temps où l’Élysée et Matignon se faisaient la tête, ministre de l’Environnement après avoir refusé l’Éducation nationale après Mai-68 puis celui de la Culture quelques années plus tard, ce brillant malrucien et stendhalien se réfugia dans Dijon, la ville que le Général lui avait demandé de conquérir.

Gaulliste, donc. Dans son livre, au moment de la mort du Général, Robert Poujade a des phrases émouvantes et d’une sincérité qui va bien au-delà de la politique : "Rien n’a été comparable dans notre vie à la chance qui nous a été donnée d’avoir pu l’accompagner, de travailler pour lui, et un peu avec lui, d’avoir eu l’occasion de dialoguer avec celui qui restera comme un des plus grands hommes de notre Histoire".

Avec de Gaulle et Pompidou n’apporte pas de révélation spectaculaire de la part de celui qui hanta les coulisses de leur pouvoir. Mais on y saisit mieux les rouages subtils de l’État en ces temps de naissance de la V° République. Et puis Robert Poujade, qui les a tous côtoyés, dresse de tous les "grands" de son monde des portraits d’une qualité exemplaire. S’il était peintre, ce serait Velasquez. Il est Normalien, et il a beaucoup lu : voici le trait acéré, la citation assassine, le croquis définitif.

Portraits sur le vif d’Edouard Balladur jeune directeur de cabinet de Pompidou, de Chaban-Delmas ou de Roger Frey, de Couve de Murville ou d’Edgar Faure, voire de Pierre Juillet et de Marie-France Garaud, éminences grises de l’Élysée en 1971/1972. Robert Poujade évite de dessiner le portrait de ceux qui, pour parler comme Apollinaire, "n’égalaient pas leur destin". Mais il réserve ses traits à ceux et celles avec lesquels il eut fort à faire. Prenez, par exemple, Marie-France Garaud : "Cette juriste douée était montée jeune du Poitou à la conquête de Paris, ce qui lui valut vite des rapporchements littéraires avec le héros des Illusions perdues alors qu’elle n’avait jamais eu d’illusions".



Ce livre de Robert Poujade retrace un pan important de notre histoire récente et en donne un témoignage privilégié. Jamais jusqu’ici l’ancien maire de Dijon n’avait vraiment évoqué ces années de gloire, ces années où François Mauriac lui prédisait un "destin exceptionnel". On lit ces pages avec avidité, beaucoup de nostalgie, comme on lirait un récit napoléonien, tant les temps actuels font passer cette époque gaullienne pour tellement ancienne…

Robert Poujade ne vient plus à Dijon. Il vient d’être élevé à la dignité de commandeur de la Légion d’honneur. Il a plus de 80 ans. Mais avec ce livre, il s’établit dans une sorte de jeunesse immuable. Il nous parle encore par ses livres. Comme une étoile brille longtemps après avoir disparu de la voie lactée.

Michel HUVET

Avec de Gaulle et Pompidou, mémoires, de Robert Poujade (Éditions de l’Archipel, 300 pages, 19, 95 €)