jeudi 26 avril 2012

DIJON VOIT RÉAPPARAÎTRE SON TRAM


Place de la République, 26 avril, 16 h 30



Emotion très grande ce jeudi 26 avril dans les rues de Dijon. Le tramway nommé désir a circulé dans les rues et traversé les places. À toute petite vitesse. Au pas des hommes en surplis jaune ou violet qui lui faisaient escorte. Avec sa clochette grave au bout de son long nez qui faisait se retourner, puis s’arrêter les passants.

Etrange émotion au long du boulevard Clémenceau. Le convoi tout neuf, violacé sous le ciel gris, créait soudain dans la ville une atmosphère de paix. On eut dit l’image arrêtée d’un film. Le monsieur au cabas rouge et au pantalon jaune avait la bouche ouverte. Devant le palais de justice, un avocat en train d’ôter sa robe noire, restait coi, un bras en l’air. Une jeune femme, excitée comme une fan devant son idole, demandait à un policier municipal de la prendre en photo devant le convoi solennel. Un silence étonnant à cette heure de l’après-midi. Avec pour seule musique celle du chintement doux du tram.

Le tram glisse devant le plais des congrès et s'engouffre sous le "pont" de l'Auditorium


Après ces années de grande douleur pour la ville et ses habitants, l’heure était donc venue de voir le rêve laisser place à la réalité. Et dans ce silence, et dans cette vie soudainement ralentie, et dans cette façon soudain calme qu’ont montré les passants en se parlant, en commentant, en réapprenant à discuter, en souriant même, on se disait que la vie reprenait du goût, que le Dijon de 2012 tendait la main au Dijon de 1961.

Un vieux monsieur essuyait une larme au coin de la rue Jean-Jacques-Rousseau, sans doute saisi par la rétractation du temps, ce tram élégant et luxueux lui rappelant sans doute le tramway brinquebalant qu’avait connu à ce même endroit le jeune homme qu’il fut. Et près de lui, un jeune d'aujourd'hui tout excité, et qui courait presque en marchant, racontait en verlan à un ami qu’il avait au bout de son téléphone portable que c’était drôle tu sais de les voir, les keufs, escorter le tram, si, si, jet’le dis, le tram tout violet qui roulait à même pas un à l’heure, j’te dis.

Une belle ouverture en attendant le lever de rideau de septembre. Dijon retient son souffle. Dijon attend enfin de revivre.

Michel HUVET




samedi 14 avril 2012

50 000 € POUR UN FAUX PLEURANT BOURGUIGNON




En ces temps de politique spectacle sur fonds de difficultés financières pour les simples gens, il est parfois bon de (re)vivre en s’intéressant à l’art en général et à l’histoire en particulier. Voyez Dijon, cette ville aujourd’hui pleine de cicatrices et de saignées, mais qui n’en reste pas moins l’une des plus belles villes de France.

Son musée est en travaux, lui aussi, surtout l’aile dite « de Bellegarde », surtout la salle des tombeaux et ses annexes. On trouve donc les pleurants du gisant de Marguerite de Bavière, échappés du tombeau, dans une des salles du musée, sous verre. De quoi pouvoir enfin les admirer à hauteur d’homme, de se pencher un peu pour voir sous leur capuchon, de contempler leur posture, leurs mains, leurs accessoires. Ou les regarder en écoutant – ainsi que le musée l’a offert récemment – les vers qu’ils ont inspiré à Michel Lagrange.



Les autres pleurants se promènent depuis plus de deux ans aux USA. Ils font le bonheur des amateurs des grandes villes et l’on estime déjà leur nombre à deux millions. La statuaire médiévale bourguignonne fait donc plus pour la France que la plupart des échanges commerciaux, universitaires ou sportifs. Le pleurant des Ducs est la star des States. Et leur succès s’accompagne aussi de tristes affaires, dont celle que vient de révéler Libération.



On y a lu ceci : « De père en fils, c’est le plaisir de livrer quelques souvenirs qui a dû dicter, selon ses propres mots, à Marc Perpitch de mettre en vente, via Artcurial, quelques lots de l’héritage de son père, antiquaire renommé du boulevard Saint Germain. Dont une sculpture qui lui vaut de se retrouver au tribunal de Paris. Ce marbre reproduit, dans les mêmes dimensions, un des pleurants sculptés au XVe siècle pour entourer le tombeau du duc de Bourgogne Jean-sans-Peur. Considérés comme des chefs-d’œuvre du gothique, ils ont fait l’objet il y a deux ans d’une exposition à New York, au Metropolitan. Cette copie a été vendue en 2009 pour 50 000 euros à un banquier collectionneur, mécène du musée de Cluny, Christian Giacomotto. »



Le tribunal a trouvé une experte pour le guider dans sa réflexion et analyser la copie de pleurant : Sophie Jugie, directrice du musée des beaux-arts de Dijon. Son verdict est clair : cette statuette date en fait du XIX° siècle.

Gare aux faussaires. Que ceux qui ont profité du succès des vrais pleurants n’en vendent pas de faux à 50 000 €, ah ! mais…

Michel HUVET



mardi 3 avril 2012

CONSEIL GÉNÉRAL CÔTE-D'OR : MALAISE ENTRE LA COMM ET LES MÉDIAS


Vote au conseil général de Côte-d'Or (Photo Philippe Gillet)



Notre confrère DijOnscOpe a bien des ennuis avec le conseil général, ou plus exactement avec le service de communication du-dit conseil. En fait, le chargé des relations avec la presse, qui vient d’arriver dans les lieux pour un court laps de temps – sans doute jusqu’aux législatives – veut poéter plus haut que son luth : il vocifère, parle à la première personne, exclut les journalistes des sessions au gré de son humeur, parle du conseil général à la première personne du singulier, bref voici revenu le temps du Grand Inquisiteur.

La première question qu’on se pose à propos de cette censure qui ne se cache même plus est celle-ci : agit-il sur ordre du président ? On pourrait le penser, étant entendu que ce communicant fait partie, depuis son arrivée dans les lieux, du cabinet du président-ministre. Et si cela est, pourquoi le président en question ne réagit-il pas publiquement  ?



Il est inimaginable, en effet, que les réponses surréalistes du chargé de comm à la patronne de DijOnscOpe, Sabine Torrès, restent lettres mortes et ne soient pas invalidées par l’exécutif d’une assemblée démocratique. Laisser planer le doute reviendrait à cautionner des assertions révoltantes du type de celle-ci : "Je suis en contact dans le 21 avec un certain nombre de médias qui relaient nos informations et d’autres qui ne la relaient pas. Je n’envoie pas d’infos à certains car les retours ne sont pas suffisants, ne correspondent pas à ce que j’attends. Vous êtes un vecteur qui, en l’état, ne m’intéresse pas".

J’ai souvent dit, ici ou là, qu’un climat malsain s’était installé dans les sphères dijonno-dijonnaises de la politique et des médias. On s’est mis en tête, à la mairie (de gauche) comme au conseil général (de droite), de flinguer tous ceux qui penseraient "mal", c’est-à-dire tous ceux qui attenteraient de près ou de loin au culte du Führer, – pardon, du chef –. Ici on le fait subtilement en éloignant les journalistes des réseaux influents. Là, semble-t-il, on le fait sans masque et on dégoupille sans se cacher.

Ma petite expérience des milieux politiques me permet de dire, quand même, que de tels agissements sont monnaie courante depuis bien des lustres, même s’ils s’effectuaient jadis sous des formes polies, peu voyantes, et en tout cas respectueuses de la liberté des uns et des autres. Une belle occasion pour moi de rendre hommage à Louis de Broissia, qui connut (peu de temps) les douleurs d’une double appartenance : directeur de journal et président du conseil général.

Il m’avait confié le service politique et j’avais exigé liberté de manoeuvre et promis honnêteté intellectuelle. Il me laissa toujours la bride sur le cou, n’intervint qu’une fois par un simple communiqué, et s’il finit par quitter la direction du quotidien – un élu comme Roland Carraz ne le ménageait guère –, c’est par respect républicain de la séparation des pouvoirs.

Ce qui se passe aujourd’hui, me semble-t-il, c’est que nous sommes face à une sensible dégradation de la qualité humaine de certains communicants qui ont à faire face à une confusion médiatique entre communication et information que certains journalistes ont parfois eux-mêmes entretenue.

Michel HUVET