dimanche 13 mai 2012

LEGISLATIVES EN CÔTE-D'OR : ÉVITER LE "BAISER QUI TUE"


Prise de fonction du président François Hollande. Et partout en France, on a déjà la tête ailleurs, c’est-à-dire dans les étoiles qui brillent dans les yeux des candidats aux élections législatives. Quid donc en Côte-d’Or dont un journal local disait il y a peu qu’elle n’était pas comme la France puisqu’elle avait voté Sarkozy avec 8 600 voix de plus, soit un écart beaucoup plus serré qu’en 2007 ? Quid aussi de Dijon, qui a été logique en votant majoritairement pour Hollande ?

On peut d’abord remarquer que cette victoire côte-d’orienne du président sortant est essentiellement due … au FN. Car c’est là où Marine Le Pen avait fait ses plus gros scores que ceux de Sarkozy ont le plus gonflé par rapport au premier tour : le monde rural est en voie de s’offrir de sacrées triangulaires aux législatives. Mais sans doute moins que le premier tour avait pu le laisser penser vu le contexte plus local des législatives.

En effet, là où il ne peut pas gagner, le FN refera le coup du "baiser qui tue" comme aimait à la dire le stratège FN des années 90, Pierre Jaboulet-Vercherre. Au premier tour, par exemple, ne pas présenter de candidat là où un candidat UMP bien de droite a une chance (3e circonsription ?). Et au second tour, si le FN n’est pas parvenu à une triangulaire, laisser carte blanche aux électeurs … qui comprendront bien qu’il faut éliminer l’UMP (IV° circonscription, celle de Sauvadet ?).

Alors ?

Première circonscription 

Laurent Grandguillaume (PS)
Sans doute pas de FN mais un duel homérique entre le sortant UMP Bernard Depierre et le postulant soutenu par le maire PS de Dijon, Laurent Grandguillaume. Ce dernier aura d’autant plus de chances de l’emporter qu’outre la spirale gagnante de la présidentielle, il bénéficiera des voix des candidats verts et mélanchonistes qui se sont portés candidats eux aussi pour ratisser vraiment très large.

Seconde circonscription 

Pierre Pribetich (PS)
Remi Delatte, le sortant UMP, a d’autant plus de souci à se faire que le FN aura ici un candidat et que la triangulaire prévisible du second tour favorisera Pierre Pribetich qui bénéficiera, comme Grandguillaume dans la première, de l’addition d’une large partie de toutes les voix de gauche (Mélanchon a fait ici, à la présidentielle, près de 10 %).

Troisième circonscription 

Kheira Bouziane (PS)

C’est la plus recherchée. Claude Darciaux occupait un poste très convoité, celui qui fut celui de Roland Carraz et de … Lucien Brenot !  Les scores du FN à la présidentielle ont été impressionnants dans certains secteurs ruraux. Ceux de la gauche aussi, omnipotente à Longvic, Chenôve, Quétigny et même Chevigny qui a basculé deux fois. Le retrait de Sofia Okotoré – long à obtenir et qui laisse un peu d’amertume chez l’ex-candidate comme chez certains de ses amis – laisse la voie libre à Kheira Bouziane (PS) qui l’emportera vue la division à droite et quelle que soit l’aura de Pascale Caravel.


Quatrième circonscription 

François Sauvadet (UMP)

Le combat sera rude pour Patrick Molinoz (MRG investi PS), le conseiller général et maire de Vénarey-Les Laumes, car il trouvera en face de lui l’ex-ministre François Sauvadet et un candidat FN qui voudra prendre sa part du gâteau. Mais le président du conseil général a de la marge, et même une belle marge.

Cinquième circonscription 

Alain Suguenot (UMP)

Daniel Cadoux (PS)
Le FN veut à tout prix faire craquer ici le député-maire de Beaune (UMP) Alain Suguenot qui est maître chez lui depuis bien des lustres et surtout depuis que François Patriat ne vient plus lui disputer le fauteuil du Palais-Bourbon. On peut s’attendre à une triangulaire, encore que la candidature de l’ancien préfet Daniel Cadoux (PS) puisse faire espérer à la gauche une revanche depuis si longtemps attendue.

Michel HUVET





mardi 8 mai 2012

MAURICE VOUTEY EST MORT, SON COMBAT RESTE VIVANT




Pour lui, Maurice Voutey, le 8 Mai est une date floue, un anniversaire qui jamais ne l’a concerné. Ce 8 Mai 1945-là, en effet, il était à Dachau, occupé à survivre au milieu du typhus et de la faim, l’oeil fixé sur un kapo mal embouché. Et ce 8 mai 2012, il l’a raté de quelques jours, la mort l’ayant rejoint le 2 mai, tirant ainsi le rideau qu’elle avait laissé ouvert pour lui durant 67 ans.

Maurice Voutey, l’enfant du quartier dijonnais de la "commune libre Berbisey", était étudiant à l’École normale de la rue Charles-Dumont quand, en 1942, les occupants nazis fusillèrent pour l’exemple quatre de ses camarades. C’en fut trop. Le jeune Maurice entra illico dans la Résistance. Dénoncé, il fut arrêté, emprisonné puis transféré à Drancy où, dans des wagons à bestiaux, un train d’enfer l’emmena à Dachau et dans les camps du Neckar.

Comment fit-il pour y survivre et en revenir ? Il l’ignora toujours, mit ça sur le compte de chaussures à sa taille, sur une santé sans doute plus robuste que celle de bon nombre de ses compagnons en pyjama rayé. Mais il n’oublia jamais son retour à Dijon, dans son école : on ne l’attendait plus, on n’avait pour les déportés qu’un regard de commisération lointaine, un déporté comme lui faisait un peu peur aux planqués de la collaboration.

Maurice Voutey devint historien, professeur. Compagnon de route des affidés de Thorez, militant de toujours et pour toujours, il accompagna les aventures politiques de ses amis pour que jamais on oublie l’horreur concentrationnaire et comment l’humanité avait pu en arriver là. Il publia des ouvrages sur cet univers – on l’a lu jusqu’au Japon – et comme il avait une sacrée plume, il publia aussi des récits de son aventure, des mémoires inavouables en forme de roman – ainsi apprit-on que dans les années 90 il croisait encore, rue de la Liberté, celui qui l’avait dénoncé en 1944 – et raconta son quartier Berbisey dans un livre superbe et sans équivalent.

Maurice Voutey fut aussi, toute sa vie de survivant, un de ces combattants de l’ombre qui jamais ne baissent les bras. Il était encore, ces derniers mois, président national délégué de la FNDIRP (Fédération nationale des Déportés, Internés, Résistants et Patriotes) au sein de laquelle il côtoyait les "héros" grâce à qui la France un jour se libéra du joug nazi. Je n’oublierai pas avoir pu connaître, grâce à lui, des personnages comme Maurice Kriegel-Valrimont, Pierre Meunier, Lucie et Raymond Aubrac, et même le "libérateur" de Paris, le colonel Rol-Tanguy. C’était à Champigny-sur-Marne, pour les 50 ans de la Libération. Rol-Tanguy, toujours géant malgré ses 90 ans, me serra la main et me dit, au garde-à-vous : "S’il faut recommencer demain, je suis prêt"!

Et puis Maurice Voutey, c’était aussi l’amitié toujours offerte, sans discrimination, c’était la chaleur d’une âme aussi humble que rare, la classe d’un homme qui jamais ne baisserait les bras et qui, chaque jour, militait pour l’honneur contre la déréliction. Il avait cosigné l'appel du 8 mars 2004 intitulé Créer c'est résister. Résister c'est créer avec d'anciens grands résistants comme Lise London, Raymond Aubrac, Stéphane Hessel, Daniel Cordier, Germaine Tillion ou Maurice Kriegel-Valrimont. Dans ce document, les signataires appelaient "les jeunes générations à faire vivre et transmettre l'héritage" du Conseil national de la Résistance (CNR) et "ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle".

Il est mort dans la plus grande discrétion. Et nous avons perdu ce qui devient de plus en plus rare en ces temps, "une conscience", comme l’a écrit France-Soir.


Michel HUVET