lundi 8 décembre 2014

JEAN LIBIS : LE TEMPS DES FLEURS JAUNES




Arrive un temps, l’automne sans doute, où les tiges se penchent et les pétales se courbent. C’est le temps de la conscience de la finitude et des vérités pascaliennes sur le divertissement.

Jean Libis, l’ami mélomane, le philosophe éminemment bachelardien, le professeur qui sut arrêter sa course quand il s’aperçut qu’elle le faisait ressembler au Sisyphe camusien, Jean Libis donc se sait en automne et contemple le monde par les arbustes sauvageons et les "carrés des éteules". Lui seul sait, mieux que Rousseau, mieux qu’un cistercien contemplatif, dire la vie qui passe et les tourments des hommes rien qu’en regardant les fleurs, les plantes, les collines, et la mer, oui, la mer.

Le vent doux de la mémoire

Ce vent doux de la mémoire "qui rend vivant le saule pleureur", Jean Libis a voulu le faire partager à quelques amis – 183 ! – en leur offrant, sous le titre Les Fleurs jaunes, dix méditations qui sont autant de signaux amicaux envoyés poétiquement par un philosophe qui se promène quand même souvent en solitaire du côté de Nolay, même s’il ne cite pas Jean-Jacques et ses Rêveries.

Il cite Bachelard, bien sûr, mais aussi Bergson, mais encore Schopenhauer, ce grand pessimiste qui l’inspire et qu’il repousse en même temps. Jean Libis est vraiment Jean Libis quand il affirme que "l’optimisme et le ravissement sont les deux mamelles de l’illusion". Car bien sûr, aucun de nos modernes sophistes ne trouve grâce à ses yeux, lui qui sait ce que la mer, l’eau, les rêves, peuvent apporter à l’homme et que ne lui apporteront jamais les théoriciens du big-bang en leur "charabia" savant.

La contingence du destin

 Au fond, Jean Libis, au milieu des campanules et autres violettes, cherche à comprendre le mot destin. Il n’y parvient qu’en discernant quelques autres vies possibles que nous n’apercevrions "que comme des éclairs", une contingence contre laquelle il n’y a rien à opposer, si ce n’est que c’est elle qui aura le mot de la fin.

Ces dix improvisations pourraient laisser un goût un peu amer. Elles sont comme les Variations Golberg de Bach, ténues et superbement ficelées, clavecinesques ou psaltérionesques, elles piquent l’âme au bon endroit et renvoient toutes prétentions à leur absurdité.

Michel HUVET

Jean Libis, Les Fleurs jaunes, 55 pages, Dicolorgoupe 2014


mercredi 26 novembre 2014

DÉPARTEMENTALES CÔTE-D'OR : MARIAGES EN VUE

Christine Renaudin (Talant)





C’est un sacré vilain tour que le Gouvernement joue aux élus locaux avec sa réforme territoriale. Ne parlons pas de la fusion des régions – ici, en Côte-d’Or, on va s’appeler désormais BFC hélas – mais uniquement de celle des cantons, regroupés pour des raisons d’équilibre démographique, 23 cantons qui auront chacun deux titulaires, un homme et une femme.

Paul Robinat (Talant)
      Du coup, c’est tout un monde qui s’écroule. Les vieux cantons avaient de  vieux élus qui avaient leurs vieilles habitudes. Tout cela s’est effondré. Bien des élus se retrouvent sans territoire et ne voudront pas forcément accepter de retourner dans l’anonymat. Par exemple, exit le canton de Mirebau, exeunt les cantons de Baigneux-les-Juifs ou de Dijon-8, et même ceux de Liernais ou de Vénarey-les-Laumes. Ils sont absorbés dans des cantons plus vastes. Alors ?

Et les “abandonnés” ?


On s’agite donc un peu partout au vu de ce rebattage des cartes pour voir quelle épingle on pourrait tirer de ce jeu bizarre. On sourit à toutes les femmes un peu en vue dans les territoires, histoire de former des couples séduisants. Par exemple François Sauvadet (ex-Vitteaux) va s’allier à Martine Eap (ex-Précy) pour conquérir un canton qui s’étend désormais de Saulieu à Vitteaux via Précy et Semur !

Oui mais alors, que vont faire tous les abandonnés ? Que vont devenir les Marc Patriat (ex-Semur), Marc Frot (ex-Baigneux), Joël Abbey (ex-Pontailler), Pierre Poillot (ex-Liernais), Georges Morin (ex-Montigny), hmm ? Ils ont tous déjà dit qu’ils ne veulent pas qu’on dise demain qu’ils n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Alors, ils secouent le cocotier de leur parti pour tenter un adoubement rapide et s’ils ne l’obtiennent pas de passer outre et d’entrer en dissidence.

Foire d’empoigne

Cela va nous faire une jolie foire d’empoigne. C’est déjà parti. Laurent Thomas (ex-Mirebeau) va se trouver en concurrence avec Nicolas Urbano (ex-Fontaine-Française) tout comme Joël Abbey (ex-Pontailler) et Dominique Girard (ex-Auxonne). Ils ont aussi pour tâche de dénicher, à l’autre bout de leur nouveau grand canton, la femme idéale pour leur couple futur : on devine par exemple qu’il y a promesse de fiançailles entre Jean-Philippe Morel (Longvic) et Marie Quintallet (Gevrey), entre Laurence Porte (Montbard) et Marc Devimes (Venarey), entre Hubert Brigand (Châtillon) et Agnès Bonfils (Billy-les-Chanceaux) etc, etc.

Ce redécoupage fait apparaître aussi, dans certaines contrées, des visages auxquels on n’est pas accoutumé. Ainsi, à Talant, n’a-t-on jamais tant vu Paul Robinat (ex-Sombernon) dans le quartier du Belvédère où la gauche a pourtant déjà quasiment adoubé le conseiller régional Stephane Woynaroski et l’élue municipale Christine Renaudin. Et puis, sachez-le, chacun des prétendants devra présenter aussi un ou une suppléante.

Du coup, et puisque la voie est ouverte, chacun et chacune peut se dire, comme moi : et si j’y allais ?


Michel HUVET


mercredi 17 septembre 2014

SÉNATORIALES CÔTE-D'OR : LE SUSPENSE OÙ ON NE L'ATTENDAIT PAS



François Patriat, sénateur sortant (Photo Public Sénat)

 Après le vote de confiance à l’Assemblée, et les frondeurs désormais proches de fonder leur propre groupe, après l’affaire de l’insolvable député de Mâcon, après les hauts cris poussés par les "réglementés", voilà qu’arrivent les élections sénatoriales.

Même s’il s’agit de grands électeurs, on voit mal comment le contexte national ne pourrait pas peser, de près ou de loin, d’autant que le nombre de listes est assez conséquent (8 listes en Côte-d’Or) et que cette élection doit se faire en un tour à la proportionnelle intégrale.

 Or donc, quid de nos trois sénateurs potentiels ? La sagesse des décrypteurs de tout poil laisse entendre que nous aurions cette fois, à l’issue du scrutin, deux sénateurs de droite libérale et un sénateur de gauche socialiste. Ce serait normal en temps normal. Mais le temps de l’automne est en fait un temps d’été et le temps politique est un temps de bouderie.

UMP : deux listes ...


 La droite ? Oui, certes, elle a de grandes chances, bien que l’UMP sortant Alain Houpert – escorté d’Anne-Catherine Loisier, la maire de Saulieu qui a toujours de la suite dans les idées – ait à affronter une sacrée liste dissidente : menée par Gilbert Menut, qui a rameuté les petits maires ruraux en rage contre les rythmes scolaires, lui-même escorté de la nouvelle maire de Montbard Laurence Porte, cette liste-là – dont on ne peut imaginer qu’elle n’ait pas le secret aval de François Sauvadet qui a placé son ami Marc Frot en cinquième de liste –, cette liste-là, donc, a le vent en poupe.

Gauche : trois listes ...


Philippe Hervieu (Photo EELV)

La gauche ? Elle se présente divisée. Les communistes du Front de   gauche ont une belle liste menée par Jacques Loury, les Verts aussi avec  Philippe Hervieu et Christine Durnerin, et la liste du sortant François  Patriat (PS) n’est pas mal non plus avec Isabelle Lajoux en seconde  position, cette dernière étant sénatrice sortante puisqu’elle a remplacé dès fin mars François Rebsamen devenu ministre et dont elle était la suppléante.


Outsiders : deux listes ...


Isabelle Maire du Poset (Photo DLR)
Joël Mekhantar, l'outsider inattendu (Photo JM)

 Il n’empêche que les sortants vont trembler. Le président de région, François Patriat, voudra savoir si les frondeurs de Paris auront fait des émules en Bourgogne – et Dieu sait qu’il y en a –, et les deux UMP ont hâte de savoir quel impact le malaise national aura sur les grands électeurs tentés par le Front national dont Edouard Cavin sera ici le représentant.

 Si l’on ajoute que des empêcheurs de voter en rond – l’élu dijonnais chevènementiste Joël Mekhantar et l’élue talantaise de Debout la République Isabelle Maire du Poset – sont venus troubler ce jeu déjà embrouillé, on comprendra que le suspense s’est installé là où on l’attendait peu.

Michel HUVET


mardi 16 septembre 2014

LA FRANCE MUSICIENNE À DIJON POUR SOUTENIR SON ORCHESTRE


L'orchestre franco-dijonnais en répétition (Photo France 3)


Il est vraiment affligeant de constater qu’après le mémorable triomphe fait l’autre soir à l’Orchestre Dijon Bourgogne par une foule qu’on n’a pu dénombrer aucun signe n’est venu ni du ministère de la Culture, ni de la Ville de Dijon, ni même du ministère du Chômage, moins encore du Conservatoire ou de l’Opéra de Dijon.  Rien. L’abandon le plus total. L’indifférence la plus lamentable. Le mépris le plus abject.

Venus de toute la France


Malgré cela, il s’est passé ce que nous ne vîmes jamais en la capitale des ducs : un concert donné par un orchestre quasi national ! Aux musiciens lynchés par leurs édiles étaient venus se joindre, en soutien fraternel, des membres des orchestres les plus huppés du pays : Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Orchestre national des Pays de la Loire, Orchestre national d’Ile-de-France, Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Orchestre de l’Opéra national de Montpellier, Orchestre Victor-Hugo de Franche-Comté, Orchestre national de France, Orchestre philharmonique de Radio-France, Orchestre de Paris, Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, Orchestre national de Lyon, Pôle d’enseignement supérieur de Musique de Bourgogne…

Jean-Claude Petot : “Je m’interroge”…


Il y a eu quelques discours.
J’en retiens deux.
Celui, d’abord, du délégué du personnel de l’orchestre, Jean-Claude Petot, brillant altiste. Après s’être interrogé sur ce “lieu de partage” qu’est un concert et sur le “lien social” qui s’établit précisément entre un orchestre et son public, il a laissé entendre que ce qui se passait entre la Ville et l’Auditorium était pour le moins problématique, visant là directement la politique onéreuse et inefficace des orchestres invités et  “l’utilisation qui est faite de l’argent du contribuable”. Il a enfin opposé à cela “ces hommes et ces femmes” – musiciens dijonnais – “qui risquent la perte de leur emploi, la perte de leur couverture sociale pour ces quelques abus indécents”. L’Opéra de Dijon était visé là en plein front.

Victor Hugo : vers “le beau, le juste, le vrai”


Et puis on a lu du Victor Hugo. Son discours sur la culture devant le Parlement. J’en retiens ceci : "Il importe, messieurs, de remédier au mal ; il faut pour ainsi dire redresser l'esprit de l'homme ; il faut, et c'est la grande mission, la mission spéciale du ministère, il faut relever l'esprit de l'homme, le tourner vers la conscience, vers le beau, le juste et le vrai, le désintéressé et le grand. C'est là, et seulement là, que vous trouverez la paix de l'homme avec lui-même et par conséquent la paix de l'homme avec la société".  "Pour arriver à ce but, messieurs, que faudrait-il faire ? Il faudrait multiplier les écoles, les chaires, les bibliothèques, les musées, les théâtres, les librairies. Il faudrait multiplier les maisons d'études où l'on médite, où l'on s'instruit, où l'on se recueille, où l'on apprend quelque chose, où l'on devient meilleur ; en un mot, il faudrait faire pénétrer de toutes parts la lumière dans l'esprit du peuple ; car c'est par les ténèbres qu'on le perd".

Le simple voeu que les élus d'opposition à Dijon vont déposer lors du prochain conseil municipal sur le bureau du maire suffira-t-il à sortir certains responsables de leurs ténèbres ?

Michel HUVET




mercredi 20 août 2014

BUTTE DE THIL : LE 6° RENDEZ-VOUS D'ANNE-MARIE BLANZAT




Anne-Marie Blanzat (Photo X)
Ils sont chanteurs et cantatrices, semi ou carrément professionnels, et ils accourent depuis six ans sous la butte de Thil pour profiter pendant une semaine des master-class d’Anne-Marie Blanzat, cantatrice internationale et professeur de chant parisienne, dont la chance a voulu qu’avec son mari Jacques Mas, ils s’installent chaque été dans une maison de famille à Vic-sous-Thil !

AM Blanzat à Turin dans Mélisande (Ph Pier-Giorgio Naretto)
C’est ainsi qu’est née et que grandit l’Académie de Thil, une chance pour l’Auxois et pour la butte sur laquelle se dresse la collégiale où se déroulent au bout du stage les concerts conclusifs. On y vient en foule, pique-nique à la main pour l’entracte à la tombée de la nuit, on est Américains ou Européens – Espagnols, Allemands, Français de Paris, Néerlandais – et on se laisse aller au passionnant parcours vocal où, du rire aux larmes, l’on va des madrigaux du XV° aux opérettes de XX° en passant par les chefs-d’oeuvre de Rameau, Bach, Brahms, Poulenc ou Offenbach !

Sans citer toutes les cantatrices entendues l’autre soir, on se plaira à souligner qu’Anne-Marie Blanzat a su donner à l’ensemble une tenue stylistique irréprochable, avec le secours de ses deux assistants répétiteurs, le Dijonnais Bruce Grant et la Chalonnaise Sacha Navarro-Mendez qui ont fait sonner dans la collégiale un piano quasi-orchestral. 

Révélation

Morgane Paquette à Thil (Photo MH)
Dans cette aventure musicale exceptionnelle, on soulignera le don de "fantaisiste" de la mezzo Claudine Paillous (irrésistible dans La Cigale et la fourmi d’Aboulker comme dans l’air de boulotte d’Offenbach), l’ampleur dramatique de la voix de la soprano lyrique Catherine Gasse (Ballade de Senta du Fliegende Holländer en Wagner) et la manière dont Lucie Rancillac s’est jouée vocalement des sortilèges contrapuntiques d’un extrait de la Passion selon saint Mathieu de Bach.

Mais on nous permettra de rappeler aussi le choc que fut cette rencontre avec la soprano colorature Morgane Paquette (1), absolument époustouflante de vérité émotionnelle tant dans le lied Er ist’s de Wolf que dans l’éblouissant air des clochettes de Lakmé de Léo Delibes. Anne-Marie Blanzat lui offrira prochainement la chance d’un récital. On s’y retrouvera tous avec bonheur.

Michel HUVET

(1) Morgane est la petite-fille du grand musicologue et compositeur Daniel Paquette, décédé en début d’année. Elle a tenu, sans doute à sa mémoire, à commencer sa performance de Thil par un somptueux et très délicat air tiré d’Hyppolite et Aricie de Rameau dont précisément Daniel Paquette était un spécialiste.


lundi 18 août 2014

NUITS DE L'ABBAYE : SIX VOIX ENCHANTENT SAINT-SEINE L'ABBAYE

Les quatre solistes de 4anima (Photo X)

 Tandis que rien de culturel, mais vraiment rien, n’est proposé à Dijon en cette période aoûtienne – si ce n’est la programmation de la suppression de l’Orchestre Dijon-Bourgogne –, l’Auxois brille de mille feux musicaux de très haut niveau. On se croise dans les abbatiales ou cours de château, dans les églises ou les granges et c’est à chaque fois un enchantement, le très haut niveau, le partage d’éblouissements. Musicales en Auxois, Nuits de l’Abbaye (Saint-Seine), Académie de Thil, concerts au château de Bussy ou à Flavigny…

J’ai dit Saint-Seine l’Abbaye. Là-bas, aux confins de l’Auxois et du Pays de la Seine, quelques grands musiciens – Yvan et Claude Stochl, le chef d'orchestre Philippe Forget – se sont lancés en 2013 dans la création d’un festival autour du 15-Août. Ce fut Schubert l’an dernier. Cela a été un festival d’art vocal cette année, sous le joli titre de Chantons sous les pommiers, avec des artistes de très haute qualité, en particulier le groupe vocal féminin 4anima (1) qui, renforcé de deux voix d’ange (2), a donné en première audition un petit chef-d’oeuvre de Philippe Forget, Specchio/Miroirs.

Une expérience inouïe

Dans la majestueuse abbatiale de Saint-Seine, quel événement ! On venait d’entendre des madrigaux italiens de la Renaissance et voilà qu’arrivaient, sur les poèmes de Louise Labbé et de la vénitienne Gaspara Stampa, des vitraux sonores, des vertiges de sons flûtés, une composition d’ajourd’hui et d’hier, sans datation possible, des échos de douleur et de combats féminins sur de longs continuos à l’aigu. Les voix se mouvaient dans le choeur, une époque répondait à une autre, et le coeur des auditeurs vibrait malgré lui à l’unisson de cette musique vocale très modale. Une expérience inouïe.

Claude Stochl et Philippe Forget (Photo X)
Cette création répondait en tout cas fort bien à ce qui l’entourait : trois choeurs pour voix de femmes de Rossini, les madrigaux de Nasco et Marenzio, La Nuit et Le Réveil de Chausson, et le toujours très rêveuse Mort d’Ophélie de Berlioz. Au piano, Claude Bazenet-Stochl pouvait se dire que "son" festival à Saint-Seine, cette fois, c’était gagné !

Michel HUVET




(1) Anne-Emmanuelle Davy, Sophie Poulain, Caroline Gesret, Audrey Pevrier
(2) Christel Boiron et Isabelle Deproit


mercredi 13 août 2014

ORCHESTRE DIJON-BOURGOGNE : LA RÉSISTANCE EST EN MARCHE


L'ODB en concert à Cluny (Photo JSL)


Etrange silence que celui des élus – majorité ou opposition d’ailleurs – dans le drame social et culturel que vit Dijon avec la fin programmée de son orchestre. Les Ponce-Pilate se contentent de laisser monter au feu le directeur de l’Auditorium qui, le malheureux, verse une larme de crocodile sur la mort programmée des musiciens. Du coup, dans ce silence assourdissant des responsables, les malheureux membres de l’ODB montent au feu avec l’énergie du désespoir.

Le président Gérard Cunin répond d’abord à la larmoyante oraison funèbre de la direction de l’Opéra de Dijon par une citation de La Rochefoucaud selon laquelle "l’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu" et Daniel Weissmann, le directeur de l’ODB, se défend de toute mauvaise gestion et rappelle fort justement que la sentence mortelle ne date pas d’aujourd’hui : "Se souvient-on dans quel état de crise sociale majeure était cet orchestre en 2009 quand il a fallu reconsidérer son projet artistique et son avenir ?"

 Rien ne serait arrivé si ...

Remontons donc le temps. Souvenons-nous qu’un orchestre a toujours existé à Dijon, avec des musiciens fournis pour la plupart par le conservatoire et dont le propos était surtout lyrique – opéra – et symphonique : du temps d’André Ameller, la Société des Concerts du conservatoire assurait, avec quasiment les mêmes musiciens, la partie symphonique et pédagogique et le Théâtre pouvait se permettre de jouer quatre opéras et six opérettes par mois !

Et puis vint l’Auditorium. Tout allait pour le mieux tant que Jean-Claude Wambst était à la barre. L’élection d’un nouveau maire – lequel avait combattu l’auditorium pendant ses années d’opposition – fit partir celui qui avait réussi à lancer l’Auditorium de Dijon dans le grand bain des salles illustres européennes. La seule question était dans le maintien, ou non, de la structure "opéra" telle qu’elle existait et dont la mairie ne voulait plus. Pourtant, si elle n’était pas tombée malade, le nouvelle directrice, Claude Meiller, eut sauvegardé musiciens, choristes et danseurs – elle avait de grandes ambitions en matière de chorégraphie – et rien ne serait arrivé. La gabegie d’Olivier Desbordes puis l’arrivée de Laurent Joyeux changèrent les perspectives.

"Or ça, pas question !" 

Déjà, le très pro-Bazin Thierry Caens, avait proposé ses services pour tenter d’unir la carpe et le lapin. Dans une interview qu’il m’avait accordée au début des années 2000 dans Le Bien Public, il posait justement le problème : "Si on fait le mauvais choix de faire tout le lyrique à l’Auditorium, Dijon disparaîtrait des scènes lyriques de province, et c’en serait fini de l’emploi pour les choristes et les musiciens". Et il ajoutait, lisez bien : "Or ça, pas question !" Devenu par la suite pro-Rebsamen, le même trompettiste-oenologue entérina sans broncher la disparition-externalisation de l’orchestre de l’Opéra, quitta même la structure dont il assurait la direction et lui, le musicien, se contenta du titre d’"ambassadeur culturel" que le maire lui octroya, sans rire.

Arriva cette affaire du Ring de Monsieur Joyeux. Une superbe occasion, pour la mairie, de porter l’estocade à cet ODB dirigé par des proches de l’UMP comme elle avait porté l’estocade, et pour les mêmes raisons, aux mondialement célèbres Fêtes de la Vigne. Le Ring, c’était manger le budget de toute une saison pour l’ODB. Le piège était là. L’ODB s’y jeta, hélas, en refusant de jouer le Ring pour ne pas compromettre le reste de sa saison. La municipalité sauta sur l’occasion, amputa la subvention pour la reverser à Laurent Joyeux qui rameutait des musiciens de toute l’Europe pour faire quand même son Ring et laissant l’ODB dans une misère dont on voit aujourd’hui les stigmates.

Cet abandon, ce silence des responsables, ce scandaleux désintérêt politique, ce lynchage antisocial, cette liquidation en trompe-l’oeil auront des conséquences que ceux-là même qui s’en lavent aujourd’hui les mains auront à payer, cher, demain. D’ici là, pétitionnons, et lançons – pourquoi pas ? – un appel au mécénat sur un site approprié.

La Résistance culturelle ne fait que commencer. Emmanuel Krivine, Régis Pasquier ont déjà lancé leur appel. J’y ajoute le mien.

Michel HUVET



samedi 9 août 2014

MUSICALES EN AUXOIS : ENTRE DEUX JOURS...



Les Musicales en Auxois forment un festival assez unique en France. Franck-Emmanuel Comte mélange à loisir les genres, les époques et les instrumentations tout comme il mélange les lieux patrimoniaux ou naturels de son cher Auxois. Après la magistrale interprétation de la Messe solennelle de Mozart à l’abbaye de Fontenay, imaginez le rendez-vous qui a eu lieu quelques jours plus tard au château de Sainte-Colombe, à 9 h du matin, dans la cour que caressaient déjà les rayons d’un chaud soleil.

Entre deux jours

70 personnes étaient là, croissant et café en mains, avant de laisser monter, lentement, des sons venus du fond des Indes, un sifflement doux comme un zéphyr issu d’un tour de vase en cristal, une "pédale" grave venue d’un harmonium du Radhjastan, quelques mélodies d’oiseaux venus d’une flûte indienne à cinq trous, quelques rythmes issus de tambours en peau, des tâlas, qui venaient de loin, de si loin…

Et cela a duré ce que durent les prières : un temps hors du temps. Miracle obtenu par Patrick Rudant, le flûtiste, et ses compères Jérôme Canet et Martin Labbé. Dans la cour du château d’Arcade, on respirait un autre air, on s’allégeait de mille fardeaux inutiles, on laissait enfin au repos une raison qui n’avait plus lieu d’être.  En repartant, on était stupéfait de découvrir que cet ensemble au joli nom d’Entre deux jours avait participé au CD enregistré par F.-E. Comte et son Concert de l’Hospital, les échos de l’Inde se mêlant avantageusement aux Leçons de ténèbres de Couperin !

Retrouvailles

Du coup, pareils concerts – mais il faudrait un autre nom pour définir ces lieux de retrouvailles mélophiliques – forgent une identité à un public très varié, lui donnent des repères amicaux et des complicités secrètes. Touristes ou habitants de l’Auxois, peu importe, ils se retrouvent ainsi de jour en jour, de soir en soir, à Bussy ou à Grosbois, à Semur ou à Montbard, à Sainte-Sabine ou à Marigny-le-Cahouet, et sont tour à tour tziganes d’aujourd’hui ou courtisans de la Renaissance, swinguant ici avec Rameau ou chantant là avec Rossini.

On revit.

Michel HUVET



lundi 4 août 2014

FONTENAY : LES 20 ANS DES "MUSICALES EN AUXOIS"



L’Auxois est particulièrement terre musicale bénie. Pas un coin de ce paradis qui n’ait son festival ou ses concerts de prestige. Etonnant foisonnement en ce milieu dit rural au moment où la capitale, Dijon, se morfond en attendant la mort de son orchestre et n’ayant rien de musical à s’offrir en ces temps estivaux.

Après le bouleversant triduum pianistique et slave de la Grange du Prieuré à Vitteaux, voici revenu le temps des Musicales en Auxois, festival de très haute valeur musicale qui vient de fêter sa vingtième édition dans le cadre unique de l’abbaye de Fontenay éclairée de 1 000 chandelles.

Franck-Emmanuel Comte et l'Auxois 


Franck-Emmanuel Comte a offert au public très nombreux une version très prenante de la Messe sonnelle en ut de Mozart avec les choeurs et l’orchestre baroque de la formation qu’il a créée, le Concert de l’Hostel-Dieu. Aujourd’hui internationalement connu comme chef et instrumentiste baroque, habitué des grands festivals européens, Franck-Emmanuel Comte est au sommet de son art.

S’il continue à s’investir ainsi dans l’Auxois, c’est qu’il sait compter sur une association présidée par Annick Riquet et dont les bénévoles font des merveilles pour lui. C’est aussi qu’il n’oublie pas être originaire de l’Auxois ni qu’il fit ses premières classes musicales à l’université et au conservatoire de Dijon.

Des croissants à Sainte-Colombe 

Alors, dans ce lieu exceptionnel, Mozart fut tout aussi exceptionnel. Et la direction ferme, exigeante, haletante même, de Franck-Emmanuel Comte a donné à cette Messe des allures de Requiem, des sonorités haendeliennes, des soubassements tragiques et prémonitoires sous l’apparence glorieuse. On ne sait pas comment Constance Mozart – pour qui cette partition fut écrite – a chanté l’Et incarnatus est, très longue contemplation de l’Enfant par sa Mère, mais Heather Newhouse-Peraldo a su le faire avec une émouvante simplicité et des vocalises touchantes par leur vérité.

Le festival se poursuit durant dix jours encore, et nous allons sans doute nous retrouver nombreux le jeudi 7 août à 9 h du matin sous le marronier au sommet de Sainte-Colombe où, en dégustant café et croissants, un harmonium du Rajahstan accompagnera flûtes et percussions pour saluer le soleil se levant sur l’Auxois.

Michel HUVET


vendredi 25 juillet 2014

ORCHESTRE DIJON BOURGOGNE : IMBROGLIO POLITICO-MUSICAL




Dans cette opération de destruction de l’Orchestre Dijon-Bourgogne, les musiciens et leurs dirigeants ne doivent pas se tromper de combat. Il ne leur sert à rien de dénigrer les représentations du Ring d’octobre dernier en reprenant un article malhonnête et tendancieux d’un pseudo-musicologue parisien. D’abord parce que ce serait nier la vérité musicale de ce Ring : un superbe orchestre et une direction absolument géniale de Daniel Kawka.

Tout est néanmoins parti de là, c’est certain. Le piège tendu par la municipalité à l’ODB était bien dans ce Ring : "Vous le faites et la saison sera finie pour vous, vous n’aurez pas un sou de plus". Refus de l’ODB et de ses dirigeants qui se retrouvent empêtrés dans leur propre contradiction. La Ville a payé cher pour que le Ring ait lieu quand même. Dont acte.

"Ambassadeur culturel" ?


L’autre aspect du malaise entre la Ville et l’ODB est de nature politique, voire politicienne. Fondé sur l’ancienne Camerata qu’avait fondée Thierry Caens quand il était encore pro-Bazin, l’ODB récupérait la plupart des musiciens de l’Opéra dont celui-ci voulait se débarrasser. Thierry Caens en fit les frais en se voyant éjecté de la structure. Devenu depuis lors pro-Rebsamen et nommé "ambassadeur culturel" de la Ville, il doit se sentir mal à l’aise devant ce qui arrive.

Affaire politicienne : la municipalité Rebsamen n’a jamais eu que de la méfiance vis-à-vis des dirigeants de l’ODB : les présidents successifs avaient un lourd passé d’opposants. Et son administrateur venait de servir la soupe d’un célèbre homme de droite chalonnais avant de retourner en apparence sa veste et venir quémander une bonne place à Dijon quand Chalon était revenue à ses amours socialistes anciennes. Tout cela faisait beaucoup aux yeux des élus dijonnais.

Pour faire plaisir au nouveau directeur de l’Auditorium redevenu Opéra de Dijon, on vira même sans ménagement aussi bien le choeur que le ballet du-dit Opéra. Il y eut bien un petit vent de révolte. Puis, comme toujours, on s’en accommoda, la vie reprit son cours, le conservatoire perdit de son influence puisque ses professeurs n’avaient presque plus de quoi exercer leur art et que leurs élèves n’avaient plus aucune perspective de vague emploi futur dans leur ville.

Par les Dijonnais 

Pour les Dijonnais


Le processus arrive à son terme : l’ODB n’aura duré que ce que durent les structures mal fagottées, l’espace d’une illusion. À quoi s’ajoute, pour cette formation, un manque de politique claire de sa diffusion musicale, de son espace de travail, de sa place dans la vie culturelle elle-même. La Région n’y vit pas de quoi dépenser plus pour la culture musicale, d’autant qu’elle réduisait sa voilure culturelle de plus de 10%. Et le Département regardait tout ça d’un oeil financièrement assez indifférent.

On en est là. Les musiciens de l’ODB n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Et le public ne veut pas se rendre compte du coup fatal porté à la culture dans la capitale des ducs. La pétition lancée par l’ODB pour que la Ville fasse machine arrière obtiendra-t-elle suffisamment de signatures ? On voudrait l’espérer, ne serait-ce que pour qu’un vrai débat ait lieu sur la place réelle que tient, depuis 1827 au moins, la musique symphonique et opératique jouée avec les Dijonnais et pour les Dijonnais dans la ville de Rameau.


Michel HUVET




lundi 21 juillet 2014

KOURTEV JOUE TCHAIKOVSKY... À VITTEAUX !


Atanas Kourtev et ses étudiants bulgares ont été reçus, avec Jean-Louis et Martine Chastaing, par le maire de Vitteaux à l'Office du Tourisme la veille du premier concert 

Dans le monde du piano, Atanas Kourtev est "le" maître absolu. Le digne représentant de la grande école russe du piano : élève de Sérébriakov à Saint-Petersbourg, ce Bulgare domine l’univers pianistique slave. Et voilà qu’entre un concerto joué avec la Philharmonie de Berlin ou des cours donnés à l’Académie de musique de Sofia, voire des leçons qu’il donne en tant que docteur en musicologie – il est le plus fin connaisseur de la pensée musicale de Scriabine –, voilà donc qu’Atanas Kourtev vient de stupéfier le public de la désormais célèbre Grange du Prieuré de … Vitteaux !

La cité médiévale de l’Auxois doit ce bonheur à Martine Chastaing, elle-même grande pianiste, qui a connu Atanas Kourtev il y a près de 40 ans à Paris et a gardé avec lui des liens d’amitié que le temps jamais n’a rompu. Il vient de débarquer dans l’Auxois avec trois de ses non moins illustres élèves – Pascal Pascalev, Svetlin Christov et Emmanuil Ivanov – pour des récitals d’une incroyable densité musicale (1). La Grange du Prieuré est ainsi devenue en quelques années un lieu absolument unique de qualité et de vérité musicales. Jean-Louis Chastaing et ses "amis" de la Grange sont peut-être dépassés par le succès, mais c’est pour le plus grand bonheur de ceux qui, au contraire des mélomanes parisiens ou dijonnais, savent qu’à Vitteaux ils côtoieront l’excellence.

L’injouable Grande Sonate…

Atanas Kourtev a donc joué dimanche dernier 20 juillet à Vitteaux, juste avant les trombes d’eau des orages venus de l’ouest. Sur le Bösendorfer des Chastaing, il a rendu à Tchaikovsky un hommage humaniste et grandiose. Des oeuvres peu connues en Occident, tel cet Aveu passionné de l’opus posthume ou ces extraits hivernaux des Saisons. Mais surtout, surtout, Atanas Kourtev a osé offrir aux afficionados de la Grange la réputée injouable Grande sonate opus 37 dans laquelle Tchaikovsky raconte les combats de son peuple pour se dégager du joug turc ou des misères qui l’assaillent sans cesse.

Kourtev, qui a douze mains, donne ainsi – plus de trente ans après Richter – une version de cette oeuvre à nulle autre pareille où la virtuosité est balayée par plus grand qu’elle, l’humanisme de l’interprète. Tout prend soudain du sens, de la hauteur, de la vérité, du très cavalier premier mouvement à la péroraison finale en passant par cet andante où l’on ne sait plus si les larmes sont des cristaux de joie ou d’angoisse.

Michel HUVET

(1) Récitals des “élèves” d’Atanais Kourtev : mardi 22 juillet à 18 h pour Pascal Pascalev (Liszt avec la Sonate en si), et jeudi 24 à 18 h pour Svetlin Christov (Beethoven opus 111, Scriabine et Berg) et Emmanuil Ivanov (Chopin, Brahms, Scriabine, Vladigerov et Debussy). Réservations au 03 80 49 05 14.



lundi 23 juin 2014

CÔTE-D'OR SÉNATORIALES : POKER MENTEUR



François Patriat (BP)
Le jeu du Sénat vaut-il la chandelle de ces bagarres souterraines entre élus du même bord ? L’opinion en est lasse, c’est une évidence bleue marine, mais nos élus n’ont en tête que leur avenir sonnant et trébuchant, rien d’autre et sûrement pas les abysses sidérales des porte-monnaies de leurs administrés.

Dans ce caravansérail d’ote-toi-de-ma-route, des petits comptes se règlent entre faux amis. Ces sénatoriales de septembre apparaissent pour beaucoup comme l’abri de fortune – c’est le cas de le dire – de tous ceux que les changements de perspective, les fusions de régions ou les nouveaux cantons renvoient à leurs chères études politiques.

Patriat soulagé

À gauche, où se lézarde la majorité présidentielle, François Patriat est soulagé : Rebsamen devenu ministre, plus d’opposant sérieux à sa réelection au palais du Luxembourg, d’autant que la gauche n’espère plus le gain que d’un seul siège sur les trois mis en jeu en Côte-d’Or. Ses quatre autres colistiers (Isabelle Lajoux en 2 et Patrick Molinoz en 3) n’auront évidemment que leurs yeux pour pleurer… sauf si se met en place une stratégie dissidente mais cachée – pas d’autre liste mais à l’intérieur même du groupe des grands électeurs – qui voudrait torpiller l’ancien ministre de l’Agriculture de Lionel Jospin.

À droite, c’est la guerre déclarée sans paravent entre les vice-présidents du conseil général. Le président Sauvadet – qui n’a plus trop d’aura à l’UDI et lorgne chaque semaine un peu plus du côté de l’UMP avec visée sur la grande région en décembre 2015 – a laissé s’envoler ses rêves sénatoriaux et ouvert la voie à bien de ses vizirs qui se verraient bien califes. Il soutient sans le dire Gilbert Menut, le maire de Talant, qui a rué dans les brancards des rythmes scolaires en se faisant des amis chez les maires ruraux qui n’en peuvent plus d’essayer de mettre en place la réforme. Le voilà prêt à venger son échec de 2008 : avec Laurence Porte, la nouvelle maire de Montbard et le conseiller général de Beaune-Sud, Jean-Pierre Rebourgeon, il va séduire bien des grands électeurs.

Dissidence


Alain Houpert (Gazette Info)
Gilbert Menut (Infos Dijon)
Problème : en face de lui, la dissidence existe. Alain Houpert, encore lui, est sénateur sortant. Mais il n’est plus "rural" depuis qu’il a quitté Salives pour Dijon où son flop aux municipales a vu nombre d’amis le quitter sans le dire tout en le disant. Il va se retrouver avec Anne-Catherine Loisier, maire de Saulieu, qui est une fine politique et qui a besoin que l’on se souvienne d’elle avant bien d’autres échéances. Pour que l’assise géographique de la liste soit opérationnelle, il fallait quelqu’un de la Côte, et ce devrait être le conseiller général de Beaune-Nord, Denis Thomas. C’est fou comme les élus de Beaune désertent leur ancienne terre d’élection en ces mois un peu fous.

Les élections sénatoriales, fin septembre, sont toujours délicieuses à suivre pour qui aime le poker menteur. Mais quelque chose me dit que tout ce bel échafaudage pourrait bien se lézarder plus ou moins d’ici l’automne.

Michel HUVET




mardi 27 mai 2014

FUSION DES RÉGIONS : LA COLÈRE DE JEAN-FRANÇOIS BAZIN

Jean-François Bazin (Photo Le Bien Public)


Jean-François Bazin est de retour ! Enfin ! Treize longue années de silence pour cet ancien président de région, cet ancien journaliste, cet ancien adjoint de Robert Poujade, ce bouillonnant écrivain, ce Bourguignon incollable, cet inclassable politique.

De retour donc parce que son sang n’a dû faire qu’un tour quand il a appris que le Premier ministre s’était mis en tête de diminuer le nombre de régions et que François Patriat avait manifesté le désir de jumeler la Bourgogne à la Franche-Comté. Alors là, trop c’est trop pour JFB qui s’est fendu d’une de ces analyses-pamphlet dont il a le secret : document au poivre, fort bien argumenté comme toujours, très chiffré, et dans un style à nul autre pareil.

Centrest ou BFC ?

Ce qu’il dit : que ce serait une folie que de démanteler la Bourgogne. Que cela coûterait une fortune, que les impôts doubleraient, que… Il s’en étrangle en écrivant. Exemple : "Comment ce mariage s’appellerait-il ? L’exemple lamentable de PACA (quand on s’appelle Provence ou Côte-d’Azur, comment peut-on devenir PACA !) nous met en garde. On ne parlerait bientôt plus de la Région de Bourgogne-Franche-Comté, ou vice-versa, pour dire simplement BFC. La Côte-d’Or n’est-elle pas devenue 21, hélas ! Ou Région Centrest... Cela peut paraître secondaire. Il n’en est rien : on ira expliquer au vin de Bourgogne qu’il ne se situe plus en Bourgogne mais en BFC ou en Centrest, au tourisme bourguignon la même chose..."

Après avoir dénoncé "le mythe des grandes régions", JFB s’en prend aux "dimensions humaines". Lisez bien : "La Bourgogne est plus vaste que la Belgique. Elle doublerait de superficie. Quelle réalité identitaire régionale pourrait-elle naître entre Nevers et Belfort sur des centaines de km de distance ? Aucune. Bien sûr, on pourrait charcuter, faire comme on a fait jadis en démembrant la Bresse et le Morvan : l’aile à tel voisin, la cuisse à tel autre... Souhaite-t-on la disparition de la Bourgogne ? C’est pour nous un autre risque : l’Yonne à l’Ile-de-France, la Saône-et-Loire à Rhône-Alpes, la Côte-d’Or à la Franche-Comté et la Nièvre au Centre ou à l’Auvergne."

La Bourgogne dans le coeur

Enfin, il conclut en affirmant que Dijon y perdrait tout, et d’abord sa place de capitale régionale, sans compter les emplois administratifs et tant d’autres services. Tout cela est plein de bon sens. On retrouve là le grand JFB, celui qui pense plus vite que les autres et qui, sans ce caractère un peu difficile qui lui a joué tant de vilains tours, eut été le meilleur de tous tant il a la Bourgogne et Dijon dans le coeur.

On peut dire merci à Manuel Valls : sans lui, JFB eut continué de manquer au débat politique même si la littérature a gagné de son retrait : ne vient-il pas d’obtenir le prix littéraire du Morvan pour son dernier roman, Les Compagnons du grand flot (1) ? Et ce retour soudain dans le grand vent du débat politique fait, quelque part, beaucoup de bien : enfin un homme politique qui n’est pas un politicien uniquement préoccupé de lui-même mais totalement investi dans les causes auxquelles il croit.


Michel HUVET

(1) Editions Calmann-Levy





dimanche 11 mai 2014

CLAUDE PATRIAT NOUS FAIT LE COUP CLASSIQUE


Dessin de couverture (Patrick Grillot)
C’est un titre à la Claudel mais qu’on ne s’y fie pas : L’Annonce faite à Toinette est une comédie, une tragi-parodie selon son auteur, et je vous jure que s’il y a longtemps que vous n’avez pas passé un bon moment de lecture, vous allez vous rattraper !

On se demande bien quelle mouche classique a piqué Claude Patriat, très sérieux ex-vice-président de l’université, fondateur de l’IUP Denis-Diderot, politologue émérite, de surcroît frère aîné d’un aimable sénateur, pour qu'il se livre ainsi dans une pièce parodique en vers où se retrouvent à Versailles et Paris en 1774 des personnages étrangement ressemblant à ceux de notre quotidien de 2014.

Ce Louis, roi des Français, a bien les traits d’un certain François de l’Elysée. Sa première fiancée et duchesse du Poitou, est aussi rusée et maligne que celle qui s’en fut chercher querelle à un ex-prince hongrois en 2007. Quant à Antoinette, deuxième fiancée de Louis, héroïne de la pièce, on va la voir bannie de la Cour quand la "metromaniaque" Elvire fera son apparition dans la vie de Louis.

Les autres comparses, vous les connaissez tous : Johannes Strauss, tout compositeur et grand financier qu’il soit, sait chanter la beauté des belles et risquer sans cesse l’érotique aventure. Manolo, le vizir qui veut être calife, est bien celui qui règne en ces jours rue de Matignon. Il y a aussi, parmi plein d’autres seigneurs, l’inénarrable duc de Branlebour, ministre de Louis et chargé des causes désespérées. Bref vous avez deviné que nous voilà en très bonne compagnie.

Et tout cela, toute cette aventure que vont vivre et le roi et sa Cour, on le taira pour que demeure l’intérêt du lecteur. On se contentera de quelques citations alexandrines. Par exemple, dès le début, quand Manolo et Toinette sont en scène. C’est elle qui parle : Qui parle de tuer ? Juste de détrôner / Je lis dedans vos yeux ce brin d’avidité / Sans lequel il n’est pas de grandes ambitions / Vous ne l’ignorez pas, la haute fonction / Attend un homme fort et non un indolent.

Ce n’est qu’un exemple. Il faut tout lire et en bien rire. Il faut garder en mémoire cette tirade de Chimène qui, ambitionnant d’être reine, pérore en commençant toutes ses promesses par "Moi, reine"… et qui commence ainsi : Moi, Reine des François, soyez tous assurés / Que je rendrai pays en meilleure santé / Que dans le pauvre état où il me fut confié !

Pour tout vous dire, saisi de passion pour cette "tragi-parodie en trois actes augmentés d’un quatrième", je me suis souvenu avoir été comédien et, derechef, en ai aussitôt appris par coeur quelques longues et fortes tirades que je me dis le soir avant de m’endormir bienheureux.

Michel HUVET

Ce petit livre, on le trouve à Dijon dans la petite et belle librairie d’ouvrages anciens, Au Chat curieux, rue des Bons-Enfants ou chez l'auteur, 59 rue Berbisey (10€ + 2 € de port)

mercredi 30 avril 2014

VALLS : LE PACTE VALAIT BIEN UNE MESSE



Tout le monde a l’air de s’étonner de ce qui se passe en ce moment à l’Assemblée nationale. Depuis Dijon, où l’on regarde d’abord comment se comporte le ministre de l’Emploi, on se frotte les yeux devant les élucubrations des éditorialistes qui ne voient, dans le vote du pacte, qu’une demi-victoire pour Manuel Valls et un quasi-enterrement pour François Hollande. On se pince. Comment peut-on être à ce point sans raison, la proie des idées toutes faites, le bon chic bon genre de l’idéologie politique parisienne, les déliquescents suivistes des députés baveurs ?

Car le moment est historique : enfin la France sortirait des querelles systématiques entre la gauche et la droite, enfin la fameuse ligne rouge serait franchie ! Ce que nos amis allemands pratiquent depuis longtemps dès que leur pays est en crise grave – cela s’appelle coalition – serait-il enfin en train de se produire au pays des coqs gaulois ? Si cela est, chapeau à Manuel Valls. Car enfin, il a osé se couper d’une fraction de la gauche incantatoire de son parti (Marie-Noëlle Lienemann avait les larmes aux yeux en s’abstenant) et il est parvenu à mordre sur tout ou partie de l’UDI, attrapant même au passage quelques élus UMP.


Une telle secousse valait bien la messe à laquelle le Premier ministre a assisté dimanche dernier à Rome, même aux prix de sifflets imbéciles d’une droite extrémiste qui ne comprendra jamais rien à rien. Le fait est quand même là : voilà le Modem et ses catholiques décomplexés qui trouvent en Manuel Valls de quoi se requinquer et rendre un peu d’espoir à l’énorme électorat bayrouiste de 2007, voilà l’UDI qui en marre de jouer les strapontins de l’UMP – seul ou presque François Sauvadet ne franchit pas la ligne et poursuit ses incantations anti-gauche – et voilà que l’Assemblée se souvient enfin que les élus l’ont été par la volonté du peuple dont elle s’est si fortement coupée depuis quelques lustres.

Il était temps, plus que temps. La coupure entre le peuple et les élus ne faisant que s’agrandir, il fallait bien faire quelque chose. Ce pacte a été une belle occasion que Valls a su saisir. Bien loin d’enterrer Hollande, elle ne fait que le stabiliser et lui rendre un crédit devenu bien lourd à rembourser.

Michel HUVET


mardi 15 avril 2014

DIJON CENTRE : PIÉTONNISATION AU XVII° !


Projet de piétonnisation de la place du Théâtre (Photo VD)

La piétonnisation de la rue de la Liberté aura été le sujet-roi des récentes élections municipales à Dijon. Il y a ceux qui récriminent, et en tête d’iceux certains commerçants qui ne se sont pas remis de la difficile période des travaux du tram. Il y a ceux qui doutent, qui voient “moins de monde” dans la rue et sur les places alentour. Et il y a ceux qui constatent, à l’instar de la nouvelle première adjointe Nathalie Koenders, qu’on a rarement vu autant de monde dans cette rue.

Tout le monde a raison. Les changements d’habitude font plus de dégâts qu’on ne croit. Rappelez vous le place de la Libération en 2001 : le fait d’annoncer qu’on allait la vider des voitures et l’ouvrir aux terrasses des cafés avait constitué l’enjeu majeur du débat entre Jean-François Bazin et François Rebsamen, ce qui montre bien que ce sont des petits riens qui font la grandeur des élections municipales !

Que des kébabs ! 

En attendant donc que la rue de la Liberté n’ait plus comme commerces “que des kébabs” comme l’a dit récemment un ancien grand élu, on se lance dans les travaux de finition, en particulier du côté de la place du Théâtre. Et la polémique reprend de plus belle, comme on a pu le constater lors du dernier conseil municipal qu’Alain Millot, le nouveau maire, apprend à diriger avec quelques hésitations bien compréhensibles.
La place royale au XVII° 

Alors, il fait bon, parfois, se souvenir des temps anciens où la place qui n’était pas encore baptisée “de la Libération” était … piétonne. Louis XV régnait et sa statue trônait sur la place. Le reste était à disposition des piétons.  On flânait là sans crainte, on papotait, sans tram, sans bus, sans navette ! Le théâtre n’existait pas et pour cause : la Sainte-Chapelle des Ducs de Bourgogne n’avait pas encore été démolie et sa haute façade rappelait encore au Grand Condé que les puissants ducs avaient fondé là l’ordre de la… Toison d’or.

Michel HUVET


mardi 1 avril 2014

VITTEAUX : CHOPIN PAR THIERRY ROSBACH



Thierry Rosbach (Photo X)
J’ai déjà évoqué ici cette grange du prieuré à Vitteaux dont Jean-Louis et Martine Chastaing ont fait une "salle Gaveau de l’Auxois". Ils ont reçu dernièrement un pianiste hors pair, hors tradition, hors normes : Thierry Rosbach.

Un public venu de très loin l’a longuement acclamé alors qu’il venait de le mettre littéralement en transes en jouant, que dis-je en jouant, en bousculant les lois de la virtuosité et de l’interprétation, cette pièce que Chopin amena avec lui de Pologne et avec laquelle il devait éblouir l’Europe entière : l’Andante spianato et Grande polonaise.

Mais son propos, en ce samedi soir, n’était pas seulement de nous révéler l’écriture pianistique de Chopin, mais de nous le faire redécouvrir dans sa modernité intrinsèque en le confrontant au dernier des grands romantiques, Gabriel Fauré. Et là, on est resté confondus. Le 5° Nocturne de Fauré, venu après l’espiègle Barcarolle en fa dièse majeur de Chopin, ce fut un éblouissement pour les auditeurs : à peine remis des ombres de tristesse qui enluminaient le barcarolle, voilà qu’ils entraient dans les magies de timbres d’un Fauré qui relisait à sa façon le Polonais de Nohant.

Thierry Rosbach, qui enseigne au CNR de Dijon comme au conservatoire supérieur de Lyon, est aussi un improvisateur : et c’est cela le plus étonnant de son étourdissante maîtrise pianistique : quand il joue le Nocturne en si majeur de Chopin, par exemple, il nous fait découvrir l’oeuvre en train de naître, comme si Chopin, là, devant nous, s’était mis au piano pour chanter la nuit du début de printemps dans l’Auxois.

Il y a, comme ça, des pianistes qui ne jouent pas les stars médiatiques et qui se consacrent à faire partager leur passion musicale dans un cercle plus étroit et sans doute plus vrai. Thierry Rosbach est de ceux-là : cherchez à l’entendre, car il se mérite.

Michel HUVET











lundi 31 mars 2014

CÔTE-D'OR : LA VAGUE BLEUE ... TEINTÉE DE ROSE


(Photo X)


Que n’a-t-on entendu au long des soirées électorales, dans cette Côte-d’Or dont le président Sauvadet, tel un sémaphore, n’a cessé d’agiter les bras, de courir d’une ville à l’autre pour se persuader qu’il avait encore un rôle à jouer ? “Vague bleue”, “déferlante à droite”, que sais-je ?

Des bascules annoncées


Oui, bien sûr, une vaguelette, comme en 2008 mais à l’envers. Oui, il y a eu une vague antigouvernementale. J’avais bien précisé ici, dès janvier, que la part “nationale” de ces élections municipales n’influerait que sur le seul sort de ceux qui avaient été élus “de justesse” en 2008. Ce fut le cas.

Is-sur-Tille ? Dans cette ville célèbre pour ses 50/50, et où le sortant PS Michel Maillot ne se représentait pas, la bascule était prévisible et quasiment évidente. Genlis ? À l’usure du sortant PRG s’est ajoutée une nouvelle sociologie des habitants. Montbard ? Le va-et-vient droite-gauche est devenu une habitude depuis la fin de l’ère Garcia. Plombières ? La victoire de la droite n’est due qu’au seul fait de la dissidence d’un adjoint au maire sortant.

François Rebsamen (Photo X)

Pour les autres, bien installés et politiquement forts, la résistance a été manifeste. Tout comme ces villes conquises par la gauche en 2001 – Lyon, Paris, Auxerre –, Dijon a maintenu son cap et réadoubé François Rebsamen. On a lu ici ou là que oui, mais qu’il avait quand même été mis en ballottage. En oubliant de dire que c’est plus le nombre de listes en présence que le reflux des sympathisants qui a été la vraie cause du second tour obligé. Vu le contexte, François Rebsamen sort donc grandi de ces deux tours.

 Molinoz et Venarey : comme à Dijon

Patrick Molinoz (Photo Gazette Côte-d'Or)

Un autre maire, de gauche, a brillamment réussi en Côte-d’Or et c’est le même profil que Dijon : une ville où le premier magistrat a tout changé depuis 2001. Il s’agit de Patrick Molinoz (68% au premier tour !) et de sa ville de Venarey-Les Laumes : au pied d’Alesia, à deux pas de Flavigny et d’Alise, de Marigny-le-Cahouet et autres perles de l’Auxois, cette cité s’est complètement transformée : la voilà attractive, commerçante, nettoyée, embellie, pleine de projets (et de grues qui les confirment), tranchant à l’évidence sur des villes cantonales telles que Précy ou Vitteaux qui sombrent dans la résignation et l’abandon.

 La droite dijonnaise, elle, est toujours aussi hésitante, boiteuse et sans élan qu’elle l’était après le départ de Robert Poujade et la chute de Jean-François Bazin. On se demande encore ce qu’Alain Houpert est venu faire dans cette galère : il aura sans doute plus perdu que gagné, et déjà laissé son siège de conseiller général pour aller s’enfermer au conseil municipal de Dijon. La place de sénateur lui échappera sans doute dès septembre et j’en connais qui, pour la prendre, s’en pourlèchent déjà les babines.

Michel HUVET