dimanche 16 décembre 2018

BACH AU BOUT DE LA ROUTE DE MADISON

Gérald Cesbron, Clémentine Célarié et
Aurélien Recoing à l'heure des saluts (Photo MH)
Par ces temps de doute et de malaise, le théâtre et la musique seuls peuvent peut-être nous aider à survivre, à renaître, à se réconcilier avec nous-mêmes. J’en veux pour preuve deux soirées différentes que je viens de vivre, oui de vivre, et qui ont été autant de leçons de vie que de métaphysique.

Clémentine Célarié en Francesca

D’abord, à Châtillon-sur-Seine, dans ce théâtre unique en son genre que sa directrice programme avec tact et goût, où Clementine Célarié vient de passer une soirée à faire revivre cette Francesca pour qui la vie s’est arrêtée un beau jour d’été sur la route de Madison.  “Quatre jours qui valent quatre milliards d’années, le temps n’existe plus” dit cet amant d’un soir qu’elle n’oubliera jamais et qu’en toute sincérité, parce que seule est belle la vérité, elle confiera à la mémoire des survivants.

Clémentine Célarié et Aurélien Recoing sont plus que des amants de boulevard, tout comme le mari, Gérald Cesbron, a la sagesse des hommes simples pour qui la vie de fermier est un horizon supportable. Exceptionnellement authentiques et vrais, les comédiens donnent à cette allégorie existentielle une force incroyable que Dominique Guillo, metteur en scène, dompte et canalise dans un temps suspendu. C’est en chacun de nous que résonne ce drame d’amour et de mort, c’est le souffle coupé et l’âme remuée que chaque spectateur – salle archi-comble –  a quitté silencieusement ce soir-là le Théâtre Gaston-Bernard.

El grando Garcia Alarcon !

(Photo X)
Le lendemain soir, dans l’Audtorium de Dijon, une autre aventure spirituelle et existentielle attendait une autre salle comble. Bach, la Messe en si, la Capella Mediterranéo, les choeurs de Namur et le chef argentin Leonardo Garcia Alarcon. Et soudain, la foudre. Bach baroque et d’une modernité incroyable. Un testament musical et croyant défiant le temps – ça pourrait ne jamais s’arrêter – dans une mise en scène musico-scénique ou scéno-musicale qui bouscule les espaces sonores et soudain se justifie par la mise en valeur du récit christique, de l’amour proclamé et de la paix demandée in fine. Inouï de beauté et de vérité.

Les doctes distributeurs de subvention – qui ne vont quasiment jamais vivre ces moments-là, peuvent ils demain comprendre à quel point les Châtillonnais comme les Dijonnais ont besoin de ce surcroit de vie pour mieux vivre leur quotidien ?

Michel HUVET





vendredi 5 octobre 2018

À L'ASSAUT DES MAIRIES : C'EST (DÉJÀ) PARTI !



La nature a horreur du vide. Les partis éparpillés,  volatilisés, mutilés par la vague macroniste de 2017, se réveillent petit à petit, largement aidés par les postures contradictoires d’une présidence qui tient ses affidés par des ficelles trop légères pour ne pas se rompre. François Patriat, en coulisses, tente de ramasser les déchets, postule même pour l’Intérieur, et en Côte-d’Or, rassure tous les élus en marche qui voient se poindre les municipales avec une certaine angoisse…

Car pour les mairies, on va se battre. Les spoliations d’aides étatiques, les suppressions de taxes diverses et variées ont réveillé les maires qui ne savent plus comment joindre les deux bouts, énervés aussi par la mise en place de communautés de communes ou de métropoles qui ne leur laissent, à priori, que les yeux pour pleurer. Donc on va passer à l’attaque et tenter de ne pas se laisser abattre par les élus nationaux qui veulent tout soudain, à l’instar de Gérard Collomb à Lyon, retrouver leur rassurante base locale.

Tourmentes urbaines 

En Côte-d’Or, on se secoue partout, discrètement quand on peut, on palabre en coulisses, on sussurre en aparté, on regarde le paysage politique méconnaissable. Exemple à Dijon : le maire, ancien ministre PS, a vu ses alliés d’hier devenus aujourd’hui des marcheurs opposants (Didier Martin, député au cas où vous l’eussiez oublié), et tente de remobiliser un PS bien éclaté façon puzzle. A sa droite, tout autant divisés, les élus se regardent en chiens de faïence, Bourguignat par ci,  Bichot par là, et tapi dans l’ombre un DLDG (comprenez David Lanaud du Gray) qui n’a pas renoncé à jouer les empêcheurs de politiquer en rond. On parle même du retour à Dijon du député Remi Delatte, ancien maire de Saint-Apollinaire déchu par loi du non cumul, qui voudrait mettre tout le monde d’accord ! Quelques-uns soupirent enfin en murmurant le nom de Laurent Grandguillaume, sauveur national des chômeurs de longue durée…

Mais il n’y a pas que Dijon ! Il y a Talant où la droite vient de déclarer l’union sacrée en élisant adjoint au maire celui qui était hier son premier Brutus, il y a Plombières où l’imbroglio est total, il y a Neuilly-Crimolois – nouvelle commune – où personne ne veut perdre sa place, il y a Montbard, Vénarey, Précy, Semur où les maires sortants voient surgir de partout des cafards improbables et des comptes à régler depuis belle lurette, il y a Vitteaux où quelques égarés voudraient bien que cette ville déjà à l’agonie ne meure pas complètement,  il y a même Beaune où le maire a bien su ne pas retrouner à l’Assemblée pour garder sa mairie, son festival de cinéma et sa cité des vins mais où un élu en marche voudrait bien soutenir une opposition réveillée.

Ah ! J’oubliais : les élections européennes se profilent aussi dans une Europe bien malade : rien ne dit que, du coup, ces municipales ne seront pas repoussées d’un an !

Michel HUVET



mardi 21 août 2018

PUISQUE JE VOUS DIS QUE TOUT VA BIEN !


 « On ne vous lit plus beaucoup en ce moment » me disent de nombreuses personnes en cet été où la canicule gonfle bien malencontreusement les cerveaux, très rétrécis par les réseaux sociaux.

Dificile de se mêler à la torpeur que provoquent les stupides fake-news, les noyades dans les piscines de luxe, les baisses de la CSG, les ponts qui s’effondrent faute d’entretien, les touristes affolés par les tremblements de terre survenus pendant leurs lointaines escapades de riches bourgeois, les navrantes sorties de vieux politiciens essoufflés et qui avancent comme des canards sans tête.

Avignon en "in" 

Heureusement, il y a l’art, le livre, le théâtre, les concerts. On revit en Auxois, en Châtillonnais, en Saint-seinois – pas à Dijon, il n‘y a rien – et même en Avignon où la chaleur et les cigales ont quand même parfumé des rencontres que ne sont pas parvenus à troubler les écervelés supporters du mondial de football. L’actualité est sur toutes les scènes, mais cette fois l’esprit critique est satisfait.

Avignon : sortie de la gare 
Des Sentinelles qui gardent des postes frontières absurdes aux DRH déjantés qui rendent ridicules les emplis proposés (Boxons) en passant par les Liaisons dangereuses d’un Laclos très actuel ou cette Ascension (politique) de deux énarques très contemporains, voilà qui vous remet l’esprit en place et vous rend l’âme désaltérée. De là, on s’en vient déguster un jus de pomme bio chez les Zuns’possible de Chamesson, on va se délecter d’un peu de Bach à Saint-Vorles de Châtillon-sur-Seine, on relit le Juste ciel d’Eric Chevillard et quelques Pensées de Pascal et je vous jure que tout va mieux.

Inquiétude rampante

Il n’en demeure pas moins que l’inquiétude est là, rampante mais réelle, au vu des femmes battues ou harcelées, des victimes d’incendies de forêt pas tous dûs au réchauffement climatique, des églises profanées, des bateaux de migrants qui coulent tandis ques passeurs s’enrichissent, des turpitudes diverses et variées qui jouent avec le feu nucléaire comme un enfant avec un cerf-volant.

Mais je vous répète que tout va bien .

Michel HUVET



vendredi 6 avril 2018

JACQUES BAZIN : LA "LIB DE L'U" C'ÉTAIT LUI

(Photo Savoirs inédits)
Il est parti dans une discrétion totale, lui le "petit frère des pauvres". Jacques Bazin eut mérité un peu plus que ce silence assourdissant. Il avait plus de 90 ans, et vivait encore au milieu de ses livres, dans son appartement de la rue de la préfecture, à Dijon.

C’est pourtant cet homme qui avait, dans les années 70, fondé à Dijon une librairie, dite "de l’Université", qui allait devenir une des premières librairies de France, "juste après le Furet du Nord à Lille", disait-on. En fait, ce fut un véritable centre culturel : jamais on n’avait vu, sur quatre étages, autant de section livresques, et chacun y trouvait d’autant mieux son compte que se relayaient ici les plus grands auteurs (surtout ceux du Seuil) et que, dans le beau caveau, se tenaient des séances qui dépassaient en intensité les "guillemets" qu'ouvrait Bernard Pivot à la télévision.

Indifférence... 

Jacques Bazin avait commencé par une petite librairie sise à côté du cinéma ABC, rue du Chapeau Rouge, et c’est après le rachat de la maison de jouets Bouet qu’il s’installa rue de la Liberté pour une aventure extraordinaire que ne surent pas poursuivre, après lui, les différents propriétaires et qui s’éteignit il y a quelques années : une épicerie bio prit lieu et place de la librairie…

Modeste, effacé, érudit d’esprit et humble de coeur, Jacques Bazin oeuvra discrètement pour les plus pauvres. Je sais qu’il souffrit beaucoup, en 1986, de la prise d’otages que subit, au Liban, son gendre journaliste (reporter de guerre) Philippe Rochot, je sais aussi que ne l’aurait pas surpris la quasi-indifférence qui a suivi son décès, au lendemain de Pâques.


Michel HUVET

mardi 6 mars 2018

CÔTE-D'OR : LES "MUNICIPALES" DÉJÀ DANS TOUTES LES TÊTES

Didier Martin, député LREM (Photo France-Bleu)
 Question simple : après la tornade du printemps 2017, au fait, vous connaissez les noms des cinq députés de Côte-d’Or ? Bien des personnes interrogées font la moue, citent Remi Delatte ou Didier Martin, mais les autres, les Faliba Kattabi, Dider Paris, Yolaine de Courson ? Déjà oubliés ou pas encore intégrés dans les moeurs !

Et à quels partis appartiennent-ils donc ? Plus un seul socialiste ? Eh ! non, il n’y a même plus qu’un seul LR et tous les autres sont "en marche" ! Certes, ils font peu parler d’eux, et leur isolement local ajoute encore à la confusion, et les "marcheurs" se disent qu’heureusement que le sénateur ex-PS François Patriat est là pour serrer les rangs et laisser entrevoir un peu d’action politique., comme on l’a récemment vu avec la visite de Brigitte Macron et du ministre de l’Éducation nationale au lycée Carnot de Dijon…

Trio LREM à Dijon 

Nathalie Koenders et François Rebsamen (photo Infos-Dijon)
Du coup, à deux ans de l’échéance, se pose dès maintenant la question des "municipales", prévues en 2020 (ou 2021 ?), puisque les remous de la tornade se sont fait sentir jusque dans les travées des conseils municipaux. Voyez Dijon où l’ancien ministre du Travail François Rebsamen s’est retrouvé avec une majorité divisée, si ce n’est déchirée, Didier Martin (ex-adjoint) venant même de créer son propre groupe LREM avec Jean-Claude Decombard, un adjoint aux sports qui ne fait pas l’unanimité dans les milieux sportifs locaux, c’est le moins qu’on puisse dire, et Charles Rozoy, mais si ! Du coup, la première adjointe Nathalie Koenders organise, par tirage au sort, des rencontres avec les citoyens dans son bureau : et si le prochain maire de Dijon était une femme ?

On voit donc se dessiner, ici ou là, des petits groupes qui, le moment venu, pourraient grossir et gripper les belles machines de partis en perdition – style PS coulé ou LR qui prend l’eau – même si l’on sait bien que les "municipales" font souvent fi des étiquettes. Mais bien des caciques doivent commencer à trembler, à Vitteaux comme à Plombières, à Chevigny comme à Semur, à Beaune comme à Auxonne, pour citer quelques cités où l’on entend le plus grincer quelques dents.

Michel HUVET


samedi 27 janvier 2018

LE SIRBA OCTET À CHATILLON-SUR-SEINE : À FENDRE L'ÂME


Deux heures d'émerveillement (© TGB )

Héberlués, émus, bouleversés même, les très nombreux spectateurs venus de quatre départements à Châtillon-sur-Seine n’oublieront pas la rencontre musicale que leur a offert le Sirba Octet qui a fait le détour par le nord de la Côte-d’Or sur la route de la Folle Journée de Nantes !

La plupart solistes de l’Orchestre de Paris, les virtuoses du Sirba se sont emparés de tout le répertoire traditionnel ashkenaze ou tzigane de l’Europe de l’Est pour ce festival bien nommé Tantz !, teinté d’humour autant que de gémissements, de plaintes autant que de réjouissances, de danses autant que de méditations : prodigieux.

 Cadences infernales

Sous la direction de Richard Schmoucler, les sept autres solistes enchantent par leur virtuosité  et leur faconde, et entraînent le public dans des rythmes fous, s’apaisant parfois pour laisser planer des complaintes de quintette à cordes à fendre l’âme et reprenant la cadence infernale au-dessus de laquelle caracolent le cymbalum, le piano ou la clarinette volubile.


Les arrangements de Cyrille Lehn ajoutent encore à la somptuosité musicale ce parfum d’authenticité qui a fait promener le public des villages de Bohème aux campagnes roumaines en passant par les bals discrets des bords du Danube.

Héberlués, les spectateurs sont repartis avec un seul désir, celui de réentendre vite, grâce au CD, ces chants de l’âme venus de si loin, dans le temps comme dans l’espace.

Michel HUVET